En Antarctique, des chercheurs rapportent un changement « inattendu » dans l’ocĂ©an profond

Crédits : Wikimedia Commons.

De récentes mesures in situ effectuées à proximité de l’Antarctique ont révélé un phénomène pour le moins inattendu. La plongée d’eaux froides près des côtes, élément majeur de la circulation océanique mondiale, s’est brutalement renforcée. Et ce, après 50 ans d’affaiblissement graduel.

L’ocĂ©an profond communique très peu avec le monde de surface. En effet, l’essentiel des Ă©changes de chaleur et de gaz – dioxyde de carbone, dioxygène, etc. – se situe au niveau des zones de formation d’eaux profondes. Ces dernières, très peu nombreuses et prĂ©cisĂ©ment localisĂ©es, jouent ainsi un rĂ´le-clĂ© dans le système climatique. On les trouve principalement Ă  l’extrĂ©mitĂ© nord de l’ocĂ©an Atlantique et dans certains secteurs entourant le continent antarctique. Les secondes viennent alimenter les plus profonds courants marins du monde, sĂ©questrant chaleur et matière pour des millĂ©naires. La figure ci-dessous offre une vision schĂ©matique de la circulation globale.

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Localisation approximative des zones de formation d’eaux profondes (sinking). Par ailleurs, les courants froids profonds sont indiquĂ©s en violet et les courants chauds de surface, en rouge. Notez comment la plongĂ©e antarctique alimente les bassins Indien et Pacifique. Enfin, les dĂ©gradĂ©s signalent les zones de transition. CrĂ©dits : RAPID / NOC.

L’affaiblissement de la formation des eaux profondes en Antarctique

Or, ces cheminées sont fragiles car leur présence dépend d’un équilibre fin entre la température et la salinité de l’eau. Un équilibre que le changement climatique est de toute évidence en train de perturber, avec des conséquences multiples sur la circulation océanique, la vie marine et le climat global. Toutefois, des surprises ne sont pas à exclure comme l’illustre une étude parue dans Nature Geoscience le 16 novembre dernier. Plus précisément, le document discute du comportement des formations d’eaux profondes antarctiques.

« Au cours des 50 dernières annĂ©es de campagnes ocĂ©anographiques, nous avons constatĂ© une rĂ©duction de la quantitĂ© d’eau dense atteignant l’ocĂ©an profond », indique Alessandro Silvano, auteur principal du papier. « Cette tendance a Ă©tĂ© mystĂ©rieusement interrompue en 2018 ». Les valeurs observĂ©es Ă©tant revenues Ă  celles marquant les annĂ©es 1990. Pourquoi un tel revirement ? « Une combinaison inhabituelle de deux phĂ©nomènes a entraĂ®nĂ© le renouvellement de la formation des eaux de fond : un Ă©vĂ©nement El Niño extrĂŞme se produisant en mĂŞme temps que des vents d’ouest plus forts et dĂ©placĂ©s vers le sud », explique le chercheur.

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La vaste calotte antarctique vue depuis l’espace. CrĂ©dits : Wikmedia Commons.

Un phénomène temporaire

En modifiant les rĂ©gimes de vents et de courants, ces deux Ă©vènements ont favorisĂ© la formation de banquise. En particulier, dans le secteur de la mer de Ross. Un processus qui s’associe Ă  un rejet de sel, densifiant l’eau sous-jacente et amĂ©liorant sa capacitĂ© Ă  plonger en profondeur. Or, ce bassin abrite l’une des cheminĂ©es antarctiques les plus importantes, ce qui explique le redĂ©marrage constatĂ© par les scientifiques. Cependant, ladite reprise n’est que temporaire et, de fait, incapable de contrebalancer l’affaiblissement gĂ©nĂ©ral s’articulant Ă  plus long terme.

« Les preuves suggèrent que le déclin graduel de la formation des eaux de fond au cours des cinq dernières décennies est probablement dû à une fonte accrue de la calotte glaciaire antarctique », relate Annie Foppert, co-auteure de l’étude. « Le rebond surprenant de ces dernières années montre comment les événements climatiques extrêmes peuvent temporairement inverser les tendances à long terme du climat en Antarctique ».

Pour le futur, les experts s’accordent Ă  dire que la fonte croissante de l’inlandsis austral continuera Ă  affaiblir la capacitĂ© de formation d’eaux profondes dans la rĂ©gion. Mais « les extrĂŞmes climatiques comme ceux qui ont entraĂ®nĂ© le rĂ©cent rebond (…) devraient Ă©galement devenir plus courants si les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre dues aux activitĂ©s humaines se poursuivent au taux actuel », rappelle avec une certaine gravitĂ© Alessandro Silvano.

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