Des empreintes incroyables repoussent l’arrivée de l’Homme aux Amériques

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Crédits : Dan Odess

Selon une étude, d’anciennes empreintes humaines conservées dans le sol du parc national de White Sands, au Nouveau-Mexique, auraient été imprimées il y a près de 23 000 ans. S’ils résistent à l’examen, ces résultats relanceraient le débat sur la façon dont les humains se sont propagés à travers les Amériques en premier lieu.

« Je pense que c’est probablement la plus grande découverte sur le peuplement de l’Amérique en cent ans« , souligne Ciprian Ardelean, archéologue à l’Université autonome de Zacatecas, au Mexique. Le chercheur, qui n’était pas impliqué dans ces travaux, ne cache pas son enthousiasme. Et pour cause, il a longtemps été admis que les humains ne s’étaient répandus en Amérique du Nord et du Sud qu’à la fin de la dernière période glaciaire, en témoignent les plus anciens outils connus (pointes de lance et autres grattoirs) vieux d’environ 13 000 ans (technologie Clovis) retrouvés dans l’actuel État du Nouveau-Mexique.

Cette idée avait du sens dans la mesure où elle s’aligne avec le recul des glaciers. On imaginait alors des groupes de chasseurs-cueilleurs sibériens installés en Alaska pendant la période glaciaire s’étendre vers le sud après l’ouverture des couloirs libres de glace dans le détroit de Béring.

Cette hypothèse a ensuite commencé à s’effriter à partir des années 1970. À l’époque, certains archéologues ont en effet souligné des preuves plus anciennes témoignant de la présence de l’Homme en Amérique du Nord bien avant la fin de la dernière période glaciaire. Plus récemment, il y a quelques mois, de nouvelles découvertes archéologiques ont également suggéré que les premiers humains avaient atteint l’Amérique il y a entre 25 000 et 30 000 ans, soit environ 15 000 ans plus tôt que les estimations précédentes.

Cette nouvelle étude ajoute du grain à moudre à cette arrivée plus précoce. Cette fois, il n’est plus question d’outils, mais d’empreintes de pas.

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Une empreinte humaine fossilisée découverte dans le parc national de White Sands. Crédits : Dan Odess

Des empreintes de près de 23 000 ans

Ces traces ont été découvertes pour la première fois en 2009 par David Bustos, responsable du programme de ressources du parc de White Sand. Des analyses de suivi réalisées au cours de ces dernières années ont permis d’isoler d’autres empreintes humaines sur environ 80 000 acres de terrain, dont beaucoup ont été imprimées par des enfants. Une ligne de traces a même été relevée sur plus de deux kilomètres. Or, ces empreintes ont été faites il y a près de 23 000 ans.

À l’époque, les responsables évoluaient sur un sol humide et sablonneux au bord d’un lac. Plus tard, des sédiments les ont lentement recouvertes avant de durcir. L’érosion les a ensuite à nouveau révélées. Dans certains cas, ces empreintes ne sont visibles à l’oeil nu que lorsque le sol est anormalement humide ou sec. Autrement, elles sont invisibles. Un radar à pénétration de sol prend alors le relais, révélant finalement la structure tridimensionnelle des talons et orteils.

D’ailleurs, ils n’étaient pas seuls. Des empreintes de mammouths, de loups géants et au moins un paresseux ont également été isolées, suggérant que ces animaux évoluaient non loin de ce groupe d’individus.

« C’est une bombe »

Pour obtenir ces résultats, les chercheurs ont recueilli en 2019 d’anciennes graines d’herbe ayant jadis poussé au bord du lac. En mesurant le carbone qu’elles contenaient, ils ont déterminé que ces végétaux avaient poussé des milliers d’années avant la fin de la dernière période glaciaire. Conscients que ces estimations seraient controversées, les chercheurs ont entrepris des analyses plus approfondies.

Pour ce faire, ils ont creusé une tranchée près d’un groupe d’empreintes humaines et animales pour obtenir une image plus claire des différentes couches de sédiments déposées en dessous. Les chercheurs ont pu tracer les empreintes sur six couches entrecoupées de onze lits de semences. Là encore, ils ont prélevé des graines d’herbe dans chacun de ces lits pour mesurer leur carbone.

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Crédits : Dan Odess

Ces mesures ont confirmé les premiers résultats : les empreintes les plus anciennes étaient situées sous un lit de semence datant d’environ 22 800 ans. Elles ont été imprimées par un humain adulte et un mammouth. Les empreintes de pas les plus jeunes dataient quant à elles d’environ 21 130 ans. Autrement dit : des humains ont évolué sur ce site ou l’ont simplement régulièrement visité pendant environ 2 000 ans.

« C’est une bombe« , a déclaré Ruth Gruhn, archéologue à l’Université de l’Alberta. « À première vue, c’est très difficile à réfuter« .

Certains chercheurs avaient déjà soutenu que des humains auraient pu se propager à travers les Amériques alors même que les glaciers étaient à leur apogée. Cette étude vient peut-être de le confirmer. Il est également possible que ces premiers individus se soient déplacés le long de la côte.

Enfin, nous pourrions aussi imaginer des groupes d’humains voyager à l’intérieur des terres il y a plus de 32 000 ans, avant que les glaciers de l’ère glaciaire n’atteignent leur étendue maximale. Si tel est le cas, des preuves de présence humaine plus anciennes pourraient encore être visibles.