Une nouvelle analyse d’anciennes empreintes de pas en Afrique du Sud laisse à penser que les humains qui les ont laissées portaient peut-être des sandales à semelles dures il y a 148 000 ans. Si cela se confirme, il s’agirait alors de la plus ancienne preuve suggérant que nos ancêtres utilisaient des chaussures pour protéger leurs pieds.
Où et quand les humains ont-ils porté des chaussures pour la première fois ?
Difficile de déterminer avec précision quand et où les humains ont créé des chaussures pour la première fois, car elles sont fabriquées principalement à partir de matériaux périssables comme le cuir et les fibres végétales. Cela laisse donc peu de preuves archéologiques. C’est alors que l’ichnologie, l’étude des traces fossiles laissées par les êtres vivants, entre en jeu. Les empreintes laissées par des hominidés portant des chaussures pourraient en effet potentiellement fournir des indices sur le moment et le lieu où les chaussures ont été utilisées pour la première fois.
Les régions de l’Afrique australe et de l’Europe occidentale sont de sérieuses candidates pour rechercher de telles traces. Ces zones sont en effet connues pour avoir été habitées par des populations humaines pendant l’âge de pierre moyen (ou Paléolithique moyen). Il est donc plausible que les habitants de ces régions aient eu des raisons de fabriquer des chaussures pour se protéger des conditions environnementales variées, ce qui nous ramène à ces travaux publiés dans la revue Ichnos.
D’anciennes preuves en Afrique du Sud
Une équipe de chercheurs annonce en effet avoir identifié de nouvelles preuves ichnologiques provenant de trois paléosurfaces de la côte du Cap, en Afrique du Sud. Contrairement aux empreintes humaines pieds nus, celles-ci ne montrent aucun orteil, mais présentent « des extrémités antérieures arrondies, des marges nettes et des traces possibles de points d’attache de sangle« .
Aucune de ces empreintes n’a été datée directement. Cependant, en se basant sur l’âge d’autres roches et sédiments à proximité, les chercheurs estiment qu’elles pourraient avoir été imprimées dans le sol il y a entre 79 000 et 148 000 ans. Leurs dimensions laissent également à penser que ceux qui en sont à l’origine étaient de jeunes pisteurs ou de petits hominidés adultes.
Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont imprimé leurs propres empreintes de pas en portant des sandales ressemblant à deux paires de chaussures utilisées jadis par un peuple autochtone de la région, dont des exemples sont conservés dans des musées. Ces expériences ont révélé que l’utilisation de ces chaussures à semelles dures sur du sable mouillé laissait des empreintes similaires à celles isolées sur le site.
« Bien que nous ne considérions pas les preuves comme concluantes, nous interprétons les trois sites […] comme suggérant la présence de pisteurs chaussés utilisant des sandales à semelles dures« , notent ainsi les chercheurs. Selon eux, l’utilisation de telles chaussures pourrait s’expliquer par le besoin de se protéger les pieds dans le cadre d’une recherche de nourriture côtière en présence de rochers (et peut-être d’oursins). « Au [Moyen Âge de pierre], une lacération importante au pied aurait pu être une condamnation à mort », rappellent-ils. Dans un tel scénario, des sandales auraient alors permis de les prémunir contre cette issue funeste.

Attention aux interprétations
Avant cette étude, la plus ancienne indication suggérant l’utilisation de chaussures provenait de deux empreintes laissées par de jeunes néandertaliens en Grèce il y a 130 000 ans. Néanmoins, les chercheurs prennent ici le soin de ne pas tirer de conclusions hâtives. Et pour cause, sans véritable matière à analyse, il est en effet difficile d’interpréter de telles empreintes, d’autant que nous avons déjà eu des surprises par le passé. À titre d’exemple, des traces découvertes dans le Nevada dans les années 1880, qui avaient été initialement attribuées à un humain portant des sandales, s’étaient ensuite révélées avoir été tracées par… un paresseux géant.