Un emballement de la fonte des calottes glaciaires serait imminent

Évolution de l'épaisseur de la calotte du Groenland (haut) et de l'Antarctique (bas) pour un réchauffement modéré (milieu) et élevé (droite). La situation de référence apparaît à gauche, les diminutions apparaissent en bleu et les augmentations, en rouge. Crédits : Jun-Young Park & coll. 2023

Grâce à un modèle couplé climat-calotte, des chercheurs ont mis en exergue le risque imminent d’emballement de la fonte des calottes polaires et du relèvement du niveau des mers si rien n’est fait pour limiter de façon drastique et rapide les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications ce 14 février.

Avec le réchauffement du climat, le niveau moyen des mers s’élève. Et pour cause, lorsque la température de l’eau augmente, celle-ci se dilate et occupe un volume plus important, à l’image du liquide des thermomètres qui se dilate et monte dans le tube lorsqu’on le réchauffe. Par ailleurs, la fonte des glaces continentales transfère continûment de l’eau depuis les terres vers les océans.

Depuis 1900, le niveau moyen des mers a augmenté de plus de 25 centimètres. Or, cette hausse s’articule à un rythme de plus en plus rapide. Alors que l’élévation était d’environ 1 millimètre par an entre 1900 et 1990, elle est passée à plus de 3 millimètres par an vers le milieu des années 1990. On doit en grande partie ce phénomène à l’accélération des pertes de masse du Groenland et de l’Antarctique.

De l’importance du couplage entre l’atmosphère, l’océan et les calottes polaires

Dans une nouvelle étude, un groupe de chercheurs alerte sur le risque d’emballement irréversible de la fonte du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest ainsi que du relèvement associé du niveau des mers si le réchauffement global venait à dépasser 1,8 °C par rapport au préindustriel (1850-1900). On rappelle que le climat s’est déjà réchauffé de 1,1 °C.

Les scientifiques expliquent que les modèles utilisés jusqu’à présent ne tiennent pas suffisamment compte des interactions complexes entre l’océan, les calottes et l’atmosphère. Aussi, en élaborant un modèle qui intègre mieux ces couplages étroits, dont le vêlage et les icebergs, il est apparu que le risque d’emballement était probable au-delà du seuil évoqué.

calottes polaires
Contribution du Groenland et de l’Antarctique au relèvement du niveau marin selon différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (optimiste en bleu, pessimiste en rouge et intermédiaire en violet). Les trois visuels représentent l’épaisseur de la calotte antarctique en 2150 selon les trois scénarios. Crédits : Jun-Young Park & coll. 2023.

Selon les résultats, il faudrait donc que le monde atteigne la neutralité carbone d’ici à 2060. « Si nous manquons cet objectif d’émission, les calottes glaciaires se désintégreront et fondront à un rythme accéléré, selon nos calculs », rapporte Axel Timmermann, l’un des coauteurs de l’étude. « Si nous ne prenons aucune mesure, le recul des calottes continuera à faire augmenter le niveau des mers d’au moins 1 mètre au cours des 130 prochaines années. Cela s’ajouterait à d’autres contributions, comme l’expansion thermique de l’eau des océans ».

Le couplage entre les différentes composantes du système climatique est donc essentiel pour mieux anticiper le rythme de fonte des calottes et du relèvement du niveau des mers. Le prochain objectif pour les chercheurs sera désormais d’intégrer les processus de petite échelle à leurs simulations. « L’un des principaux défis de la simulation des calottes glaciaires est que même les processus à petite échelle peuvent jouer un rôle crucial dans la réponse à grande échelle d’une calotte et sur les projections correspondantes du niveau de la mer », soutient le chercheur.