Les humains se partagent entre droitiers et gauchers, mais ils ne sont pas les seuls. Chats, dauphins, abeilles… Par le passé, des études ont démontré que les animaux aussi avaient une préférence. Or, d’après une nouvelle étude, les éléphants ont également une préférence pour le côté de leur trompe qu’ils utilisent. Et selon les scientifiques, il est même possible de déterminer la latéralité d’une trompe d’éléphant simplement en regardant ses plis. Cependant, ce n’est qu’une des nombreuses révélations faites par l’équipe sur les trompes et leurs ridules qui se plissent d’une manière qui n’est ni aléatoire ni liée à l’âge.
Rappelons que la trompe d’un éléphant est une merveille de la nature. Elle sert à la fois d’outil, de nez et de muscle surpuissant. « La trompe est un organe incroyable, époustouflant et préhensile qui est très inhabituel. [Elle] a plus de muscles que toute autre structure corporelle chez les mammifères », s’émerveille le Dr Michael Brecht, co-auteur de l’étude de l’Université Humboldt de Berlin. « La seule chose qui s’en rapproche est la main. » En fait, la trompe d’un éléphant contient même plus de 46 000 muscles contre 600 à 700 dans le corps humain.
Elle appartient en outre à une classe spéciale de structures musculaires appelées hydrostats que l’on trouve chez des créatures comme les pieuvres et les escargots. Toutefois, contrairement à ces autres animaux, la trompe d’un éléphant est recouverte d’une peau épaisse et plissée qui lui apporte à la fois protection et polyvalence. Désormais, on en sait encore plus sur ces appendices déjà considérés comme extraordinaires qui cachaient des secrets passionnants.
Une différence notable entre les éléphants asiatiques et africains
Publiés le 9 octobre 2024 dans la revue Royal Society Open Science, le Dr Brecht et ses collègues rapportent ce qu’ils considèrent comme l’étude la plus complète à ce jour du développement des rides de trompes tout au long de la vie chez les éléphants asiatiques et africains. Pour ce faire, l’équipe a notamment étudié les appendices de spécimens décédés ainsi que des photographies d’individus vivants, ce qui leur a déjà permis de constater que la distance entre les rides sur les trompes des éléphants adultes diminue en allant de la base au bout.
Cela a aussi permis de découvrir que les éléphants asiatiques en avaient beaucoup sur la face supérieure de leur trompe que les spécimens africains. La science pensait depuis longtemps que ces sillons profonds rendent la trompe plus souple, un peu comme avec un accordéon. Or, cette théorie pourrait au final aider à expliquer pourquoi les éléphants asiatiques ont plus de ridules sur leur trompe. En effet, les éléphants africains ont deux structures en forme de doigt au bout de leur trompe qu’ils utilisent pour saisir des objets, tandis que les asiatiques n’en ont qu’une seule. En conséquence, ils doivent plus fréquemment enrouler leur trompe autour des objets pour les saisir. « Pour cet enroulement, la trompe doit être plus flexible, et nous pensons que c’est pour cela qu’ils ont beaucoup plus de rides », explique Brecht.
Gaucher ou droitier de la trompe ? Nous avons désormais la réponse.
Bien que dans l’ensemble, les pachydermes montrent une répartition presque égale avec une préférence à 50:50 pour la manière dont ils plient leur trompe, les scientifiques ont découvert qu’il est possible de déterminer la préférence individuelle d’un adulte.
L’équipe affirme en effet qu’un éléphant gaucher (qui ramasse des objets du côté gauche de son corps) a plus de ridules et de longues moustaches sur le côté gauche de sa trompe, tandis que les moustaches sur le côté droit montrent une usure plus conséquente liée à un contact plus fréquent avec le sol. « La différence de longueur des moustaches est importante et marquante », affirme le Dr Brecht. « L’effet des rides est plus subtil, mais tout de même significatif. Il indique que ces motifs sont au moins partiellement liés à l’utilisation. »
« Nous avons trouvé une différence de 10 % dans le nombre de rides entre le côté gauche et le côté droit de la trompe, en corrélation avec la “latéralité” de l’individu », note aussi l’article. « Nous avons eu un cas d’éléphant africain ambidextre sans différence de moustaches ou de rides, ce qui renforce notre théorie selon laquelle le motif de ces marques est modifié en fonction de l’expérience d’utilisation. »
D’autres découvertes fascinantes
Bien que l’on sache que les éléphants ont des ridules de trompe à la naissance, cette étude éclaire la manière dont elles se forment dans l’utérus. D’après ces travaux, le processus de plissement commence en effet avant même la naissance de l’éléphanteau. Pour le déterminer, les chercheurs ont suivi leur formation chez les fœtus d’éléphants au cours de leurs premiers stades de développement en utilisant l’imagerie microtomographique (microCT).
Ils ont aussi découvert qu’entre le 80e et le 150e jour de gestation, leur nombre double environ tous les vingt jours avant de ralentir considérablement. Au moment de la naissance d’un éléphant, sa trompe porte ainsi déjà les prémices de son motif plissé qui continuera toutefois de se développer à mesure que l’animal vieillira et utilisera sa trompe. « Les rides ultérieures se forment lentement, mais à un rythme plus rapide chez les éléphants asiatiques que chez les éléphants africains », ajoutent par ailleurs les chercheurs dans leur étude.
Les scientifiques ajoutent enfin que ces ridules sont cartographiées sur les neurones dans le tronc cérébral de l’animal, ce qui rend ainsi ces caractéristiques encore plus fascinantes.
Retrouvez l’étude complète ici.