L’échantillon vierge de l’astéroïde Ryugu collecté par le vaisseau spatial japonais Hayabusa 2 a permis aux chercheurs d’analyser un matériau extraterrestre sans exposition incontrôlée à l’atmosphère et à la biosphère terrestres. Dans une étude récente, ils rapportent la détection de l’uracile, l’une des quatre nucléobases de l’ARN. Cette nouvelle découverte soutient l’idée que les éléments constitutifs de la vie sont peut-être arrivés de l’espace et que des formes de vie rudimentaires peuvent exister ailleurs dans le système solaire.
Les échantillons de Ryugu
L’astéroïde Ryugu est un astéroïde de type C-B, ce qui signifie qu’il est riche en carbone et en minéraux organiques. Découvert en 1999, il mesure environ un kilomètre de diamètre et tourne sur son axe en moins de sept heures, ce qui en fait un des astéroïdes les plus rapides de notre système solaire. Sa surface est également très sombre et ponctuée de cratères, ce qui montre qu’elle a été exposée à de nombreux impacts météoriques au cours de son existence.
En 2018, la sonde spatiale japonaise Hayabusa 2 a été lancée pour collecter des échantillons de sa surface à 322 millions de km de la Terre. Ces échantillons ont été rapportés sur Terre en 2020 dans le but d’être analysés avec des instruments de pointe.
Les scientifiques s’intéressent à Ryugu, car ce type d’astéroïdes, quasiment inchangé depuis plus de 4,5 milliards d’années, peut nous apprendre beaucoup sur la formation et l’évolution du système solaire. Une grande partie de leur contenu provient en effet probablement de la même nébuleuse ayant donné naissance au Soleil. Leur analyse pourrait également nous donner quelques informations sur les origines de la vie. De plus en plus de preuves semblent en effet indiquer que des éléments constitutifs du vivant ont été apportés sur Terre au début de son histoire. Cette nouvelle découverte va dans le même sens.
De l’uracile dans l’espace
Au cours d’une analyse récente de ces échantillons, des scientifiques japonais ont isolé de l’uracile, l’une des cinq nucléobases qui composent notre code génétique, ainsi que de la vitamine B3 et un certain nombre d’autres molécules organiques.
Pour rappel, les cinq nucléobases (adénine, guanine, cytosine, thymine et uracile) se combinent avec le ribose et le phosphate pour former l’ADN et l’ARN, qui constituent le code génétique de toute vie sur Terre. L’ADN se décompresse et se transcrit en ARN qui va alors fabriquer des protéines. Ces dernières construisent et entretiennent à leur tour les cellules tout en créant davantage de copies d’ADN.
Des analyses antérieures de météorites trouvées sur Terre ont révélé que ces roches contenaient les cinq nucléobases essentielles à la vie. Cependant, on ignorait encore si ces « bases du vivant » étaient présentes sur Terre avant leur impact. Le fait de les identifier pourrait en effet signifier que ces météorites ont été contaminées après leur impact. Ici, l’analyse du contenu de Ryugu fournit donc un indice significatif que ces « ingrédients de la vie » sont bel et bien présents dans le cosmos.

D’autres échantillons à venir
On ignore encore comment ces éléments constitutifs de la vie se sont formés en premier lieu. Se sont-ils développés sur Ryugu ou dans le nuage interstellaire qui allait plus tard le faire naître ?
Les chercheurs pensent que les acides aminés et les nucléotides auraient pu être fabriqués il y a très longtemps, lorsque la glace interstellaire fut frappée par des rayons cosmiques intenses. En conséquence, des molécules simples auraient pu être réaménagées dans des configurations plus complexes. Ces mêmes molécules auraient alors pu arriver sur terre sur des astéroïdes pour finalement enclencher les premiers remous de la vie dans les océans et/ou lacs primordiaux de notre planète.
Nous en saurons peut-être davantage avec l’analyse des échantillons collectés par la NASA en 2021 sur l’astéroïde Bennu dans le cadre de sa mission OSIRIS-REx. Ces échantillons doivent arriver sur Terre en septembre prochain. Les signes de matière organique qu’ils contiennent pourraient alors fournir aux scientifiques des indices importants sur la façon dont la vie a émergé sur notre planète.