Depuis les élections récentes qui ont porté Donald Trump au pouvoir, des rumeurs alimentent les débats autour de l’avenir de la fusée géante Space Launch System (SLS) de la NASA. Cruciale pour le programme Artemis qui vise à ramener des humains sur la Lune, cette fusée est au centre d’une controverse qui mêle ambitions spatiales, considérations budgétaires et rivalités géopolitiques. Avec un coût astronomique par lancement, le SLS pourrait-il être remplacé par des solutions commerciales comme celles de SpaceX ? Plus largement, que révèle ce débat sur la stratégie spatiale américaine face à une concurrence internationale de plus en plus féroce ?
Le SLS : une pièce maîtresse du programme Artemis
Le Space Launch System (LSL) est bien plus qu’une simple fusée. Conçu pour être l’un des lanceurs les plus puissants jamais créés, il incarne la vision de la NASA de retourner sur la Lune et de poser les bases de missions encore plus ambitieuses, notamment vers Mars.
Dans le cadre d’Artemis 3, la première mission habitée du programme à atterrir sur la Lune, le SLS doit envoyer la capsule Orion avec quatre astronautes en orbite lunaire. Là, Orion s’arrimera au vaisseau spatial Starship de SpaceX qui aura quant à lui été lancé séparément. Deux astronautes seront ensuite transférés à bord du Starship pour descendre jusqu’à la surface lunaire. Après leur mission sur la Lune, ils retourneront en orbite lunaire dans le même vaisseau, retrouveront leurs coéquipiers à bord d’Orion, puis rentreront sur Terre.
Ce plan illustre la complémentarité entre les projets publics et privés dans l’exploration spatiale moderne. Cependant, il repose sur des systèmes complexes et interdépendants, dont les retards ou les échecs pourraient compromettre l’ensemble du calendrier.

Les défis du Space Launch System
Malgré son rôle central, le SLS fait face à des critiques croissantes, notamment en raison de son coût exorbitant. Chaque lancement est en effet estimé à plus de deux milliards de dollars, un montant difficile à justifier dans un contexte de réduction des budgets fédéraux.
La fusée a pourtant prouvé sa fiabilité lors de la mission Artemis 1 en 2022 où elle a envoyé avec succès une capsule Orion non habitée autour de la Lune. Néanmoins, cette réussite technique ne suffit pas à apaiser les inquiétudes liées aux dépassements de coûts et aux délais accumulés depuis le lancement du projet en 2011.
À cela s’ajoutent des pressions politiques. L’administration Trump avait par le passé privilégié les entreprises privées pour réduire les coûts des missions spatiales. Avec l’arrivée d’Elon Musk dans l’équipe chargée de revoir les dépenses fédérales, certains redoutent que le SLS ne devienne une cible facile pour des coupes budgétaires, surtout à un moment où SpaceX monte en puissance avec son propre lanceur lourd : le Starship.
SpaceX : une alternative prometteuse au SLS ?
L’idée de remplacer le SLS par le Starship de SpaceX est séduisante à première vue. Grâce à sa conception réutilisable, le Starship pourrait en effet réduire considérablement les coûts de lancement et offrir une souplesse sans précédent. Les récents essais menés par SpaceX, notamment des démonstrations spectaculaires de récupération d’étages, ont impressionné la communauté spatiale.
Cependant, cette alternative reste semée d’incertitudes. Contrairement au SLS, qui est opérationnel, le Starship est encore en phase de test et doit relever des défis majeurs. Parmi eux, la capacité à ravitailler le vaisseau en carburant dans l’espace et à effectuer un atterrissage lunaire sans équipage avant de transporter des astronautes. Ces étapes, bien que prometteuses, ne sont pas encore réalisées.
Enfin, remplacer le SLS ne serait pas une simple substitution. Les missions d’Artemis sont calibrées autour des capacités spécifiques de cette fusée. Toute transition vers une autre solution entraînerait des retards importants et des ajustements coûteux.

Une nouvelle course à l’espace
L’avenir du SLS ne concerne pas uniquement les États-Unis. Il s’inscrit dans une course spatiale du vingt et unième siècle où des nations comme la Chine affichent des ambitions de plus en plus affirmées. Pékin prévoit en effet d’envoyer des astronautes sur la Lune d’ici 2030 et ses projets, généralement prudents en termes de délais, laissent peu de place à l’improvisation. Une victoire chinoise dans cette nouvelle conquête lunaire représenterait alors un revers symbolique pour les États-Unis, qui avaient dominé l’exploration spatiale au 20e siècle avec les missions Apollo.
Dans ce contexte, le temps presse. Les retards accumulés par Artemis, dus notamment à des problèmes techniques avec les combinaisons spatiales, le bouclier thermique d’Orion et la tour de lancement mobile du SLS, pourraient offrir un avantage stratégique à la Chine.
Investir dans l’avenir : le dilemme de la NASA
Que faire alors ? Faut-il persister avec le SLS malgré ses coûts ou explorer des alternatives plus économiques ? Abandonner le SLS représenterait une perte énorme après des dizaines de milliards déjà investis dans son développement. En même temps, il serait imprudent de ne pas tirer parti des innovations du secteur privé, comme le Starship, qui pourrait un jour révolutionner l’accès à l’espace. Une solution intermédiaire pourrait être de maintenir le SLS pour certaines missions critiques, tout en confiant à SpaceX et d’autres entreprises commerciales une part croissante des projets. Cette approche permettrait de combiner la fiabilité d’un système éprouvé et la flexibilité des technologies émergentes.
Le débat autour du SLS dépasse la seule question technique. Il reflète un choix stratégique fondamental : maintenir une approche traditionnelle avec un lanceur lourd développé par la NASA, ou miser sur l’innovation en confiant davantage de responsabilités au secteur privé. Quel que soit le chemin choisi, les États-Unis devront avancer avec prudence pour ne pas perdre leur leadership dans la course à l’espace. Alors que la Lune redevient un objectif prioritaire et que Mars pointe à l’horizon, le futur du programme Artemis pourrait bien déterminer la place de l’Amérique parmi les étoiles.