Chaque El Niño coûte excessivement cher à l’économie mondiale

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Crédits : piyaset/istock

Une étude publiée dans la revue Science fait état du bilan financier du phénomène d’El Niño, de plus en plus redouté. D’après ces analyses, les conséquences économiques de ce phénomène climatique récurrent peuvent persister plusieurs années après l’événement lui-même et coûter des milliards de dollars en perte de revenus dans le monde.

El Niño est un événement climatique déclenché par une perturbation de la circulation atmosphérique et océanique dans le Pacifique tropical.

Plus précisément, en temps normal, les alizés soufflent d’est en ouest, poussant ainsi les eaux chaudes de la surface de l’océan dans la même direction. Ce processus permet aux eaux plus froides et riches en nutriments de remonter près des côtes de l’Amérique du Sud.

Pendant un épisode El Niño, en revanche, ces alizés s’affaiblissent ou s’inversent, entraînant un affaiblissement ou une inversion du courant océanique. Cela permet aux eaux chaudes accumulées dans l’ouest du Pacifique de se déplacer vers l’est, le long de l’équateur, vers les côtes de l’Amérique du Sud. Cela entraîne un réchauffement anormal des eaux de surface et une diminution de la remontée d’eaux froides riches en nutriments.

Un phénomène aux multiples conséquences

Si au départ El Niño est déclenché dans le Pacifique tropical, ses effets sont en revanche ressentis à l’échelle mondiale. Les changements dans la température de surface de l’océan modifient en effet les schémas climatiques, entraînant des conséquences diverses.

Des régions comme certaines parties de l’Amérique du Sud, de l’Afrique australe et de l’Australie peuvent notamment connaître une diminution des précipitations, entraînant des sécheresses et des risques accrus d’incendies. En parallèle, certaines régions, comme l’Indonésie et certaines parties de l’Asie, peuvent connaître une augmentation de leurs précipitations et donc des inondations.

Par ailleurs, les changements dans les températures de surface de l’océan influent sur les schémas atmosphériques, ce qui peut entraîner des anomalies climatiques dans différentes parties du monde. On relève alors une hausse des températures, mais aussi une multiplication des tempêtes et cyclones tropicaux.

Enfin, les variations de température de l’océan peuvent avoir des conséquences sur les écosystèmes marins, entraînant des perturbations dans les chaînes alimentaires et une diminution des stocks de poissons.

Ainsi, chaque phénomène El Niño entraîne des conséquences importantes pour le climat mondial et tout ce qui en dépend. Cependant, jusqu’à présent, aucune étude ne s’était vraiment penchée sur les conséquences économiques de ces phénomènes. C’est désormais chose faite et visiblement le coût est élevé.

Une facture salée et inégalement répartie

Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs du Dartmouth College ont passé deux ans à examiner l’activité économique mondiale dans les décennies qui ont suivi les événements El Niño de 1982-1983 et de 1997-1998. Suite au premier phénomène, l’économie mondiale aurait été amputée de 4 100 milliards de dollars au cours des cinq années suivantes, puis de 5 700 milliards de dollars dans les années suivant la seconde période.

Il apparaît également que la majeure partie de ces pertes est supportée par les pays les plus pauvres, en particulier sous les tropiques. À titre d’illustration, les chercheurs ont constaté que le premier de ces deux événements avait entraîné une baisse d’environ 3% du produit intérieur brut des États-Unis, tandis que les PIB des nations tropicales côtières comme le Pérou et l’Indonésie étaient inférieurs de plus de 10 % au cours de la même période.

El Niño amplifie ainsi les inégalités plus larges du changement climatique, affectant de manière disproportionnée les pays les moins responsables, les moins résilients et les moins préparés.

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En 2003, les pays tropicaux à faible revenu ont subi les plus grandes pertes économiques suite à l’El Niño de 1997-1998. Crédits : Chris Callahan

En ce qui concerne les projections, les chercheurs prévoient que les pertes économiques mondiales pour le 21e siècle s’élèveront à 84 000 milliards de dollars, et ce, même si les promesses actuelles des dirigeants de réduire les émissions de carbone se concrétisent. Habituellement, les dirigeants mondiaux et le public ont en effet tendance à se concentrer (à juste titre) sur l’augmentation constante de la température moyenne mondiale. Cependant, au regard de ces résultats, les auteurs appellent à prendre davantage en considération les conséquences d’El Niño dans le bilan économique du réchauffement climatique.