L’effet fertilisant du CO2 sur la végétation tropicale revu à la baisse

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De nouvelles données ont conduit à revoir à la baisse l’effet fertilisant du dioxyde de carbone (CO2) sur la végétation tropicale. Ces résultats s’inscrivent dans la continuité des travaux précédents et montrent que la disponibilité en eau et l’activité des feux de forêt sont des facteurs plus déterminants dans l’évolution du couvert forestier. L’étude a été publiée ce 5 mai dans la revue Science.

L’augmentation de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone tend à fertiliser la végétation, un peu comme dans une serre agricole, et à stimuler la croissance et l’expansion du couvert forestier. Cet effet tout particulièrement présent en région tropicale accélère ainsi la capture du carbone par photosynthèse et compense en partie les émissions anthropiques.

La fertilisation par le CO2, un concept dépassé ?

C’est en tout cas ce que l’on pensait il y a encore dix ou vingt ans. Depuis lors, de multiples études de terrain ont montré que la réponse de la végétation tropicale à une atmosphère enrichie en CO2 était plus complexe que l’idée assez simpliste que l’on pouvait s’en faire. En effet, divers processus tendent à s’opposer à la fertilisation et le bilan de ces influences concurrentes est loin d’être trivial.

Une nouvelle étude parue dans la revue Science enfonce encore un peu plus le clou. En analysant l’évolution de la végétation tropicale en Afrique de l’Ouest sur les 500 000 dernières années, un groupe de chercheurs a constaté que les variations de CO2 avaient eu un impact étonnamment faible sur les augmentations et les diminutions successives du couvert forestier.

forêt tropicale
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« Nous avons comparé les preuves de changements environnementaux du passé déduits des sédiments récupérés au lac Bosumtwi au Ghana avec les simulations des conditions climatiques et les variations mondiales du CO2 atmosphérique obtenues à partir des carottes de glace pour les 500 000 dernières années », explique William Gosling, auteur principal de l’étude.

Le rôle dominant de l’humidité et des feux de forêt

Dans leur papier, les scientifiques ont évalué la contribution du dioxyde de carbone aux changements observés par rapport à cinq autres facteurs : la température et sa saisonnalité, la disponibilité en eau, l’activité des feux de forêt et la quantité d’herbivores présents dans l’écosystème. Or, il est apparu que les facteurs les plus déterminants étaient la disponibilité en eau et l’activité des feux de forêt. Même la densité de mammifères herbivores se place avant le dioxyde de carbone.

« Les avantages de l’augmentation du CO2 sont beaucoup plus faibles qu’on ne le pensait à l’origine. Or, de nombreux modèles climat-végétation surestiment encore les influences du CO2 et sous-estiment donc les impacts que le changement climatique aura sur la végétation », rapporte Jonathan Overpeck, un des coauteurs de l’étude. « Nous avons montré que la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère importe peu s’il n’y a pas assez d’eau, s’il y a des incendies chaque année ou si tous les semis sont mangés par les animaux », résume William Gosling.

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Si une limitation évidente de l’étude tient au fait qu’elle ne porte que sur un site géographique, elle conforte néanmoins les travaux précédents et insiste encore un peu plus la nécessité d’améliorer la représentation des interactions entre climat et végétation dans les modèles. Par ailleurs, les projets de plantations d’arbres reposent encore trop fréquemment sur le concept désormais dépassé d’une relation quasi mécanique entre CO2 et végétation.

« L’idée que vous pouvez simplement planter des arbres pour séquestrer le carbone, et que ces arbres seront à l’abri d’un climat plus chaud et plus sec grâce aux niveaux élevés de CO2 atmosphérique, ce n’est pas une valeur sûre », avertit Jonathan Overpeck. « Les efforts qui favorisent la séquestration du carbone dans la végétation tropicale doivent soigneusement considérer les rôles de l’humidité, du feu et des herbivores s’ils veulent aboutir », ajoute William Gosling.