Le Dust Bowl qui a frappé les USA dans les années 1930 a aussi affecté l’Europe

Crédits : NOAA / Flickr.

Le Dust Bowl, ce terrible épisode climatique qui a frappé les Grandes Plaines d’Amérique du Nord dans les années 1930 et qui a eu des répercussions économiques et sanitaires majeures, a également affecté le climat d’Europe du Nord et d’Asie de l’Est. C’est en tout cas ce que rapporte une étude récemment publiée dans la revue Scientific Reports.

Pour un européen de l’ouest, les années 1930 n’évoquent rien de particulier sur le plan climatique. Elles sont cependant historiques du point de vue d’un américain. En effet, cette décennie correspond aux Dirty Thirties, plus connues sous l’appellation de Dust Bowl, en référence à une série d’épisodes de chaleur et de sécheresse intenses survenus au centre des États-Unis. Comme en témoignent les photos d’archives, de nombreuses tempêtes de poussières ont alors balayé les Grandes Plaines.

L’impact à distance du Dust Bowl, médié par la circulation atmosphérique

Cet épisode initié par des modes de variabilité naturelle tels que l’oscillation décennale du Pacifique a été amplifié par un ensemble de pratiques agricoles qui ont mis à mal les sols de la région et se démarque très nettement dans les séries climatiques. On observe ainsi un pic chaud aux États-Unis dans les années 1930, rivalisant avec les pics de chaleur de la décennie 2010. Or, une équipe de chercheurs a récemment montré que l’assèchement des sols associé au Dust Bowl a eu des répercussions bien au-delà de l’Amérique du Nord.

Dust Bowl
Anomalies de température sur les Grandes Plaines (courbe orange) et les États-Unis (courbe noire) pour la période allant de mai à août, entre la fin du XIXe siècle et 2021 (a). Anomalie de température entre 1932 et 1939 par rapport à la période trentenaire précédente (1901-1930) (b). Crédits : Gerald A. Meehl & coll. 2022.

Plus précisément, les scientifiques ont montré que l’influence du Dust Bowl était perceptible dans les données climatiques d’Europe du Nord et d’Asie de l’Est. En disséquant les mécanismes à l’aide d’un modèle de climat, ils ont montré que la surchauffe des sols asséchés a engendré une ondulation du courant-jet qui a propagé la perturbation à d’autres régions de l’hémisphère, dont l’Europe du Nord où l’on mesurait également des pics de chaleur extrêmes. Certains records datant des années 1930 n’ont d’ailleurs été battus que très récemment. On parle de téléconnexion pour décrire cet effet à distance qui survient essentiellement l’été, lorsque les sols asséchés du continent américain chauffent le plus fortement. 

Des questions en suspens

En somme, l’étude met en lumière une conséquence jusqu’alors inconnue du Dust Bowl. Si l’on savait que les anomalies de température de surface de la mer pouvaient déclencher des trains d’ondes atmosphériques, à l’origine de téléconnexions récurrentes, l’influence des anomalies thermiques continentales reste difficile à évaluer. Les résultats obtenus permettent de mieux comprendre leur dynamique, soulevant la question de l’impact de l’agriculture et des sécheresses futures sur le climat de régions situées à plusieurs milliers de kilomètres.

« C’est un mécanisme qui est apparu d’une manière unique en raison de l’influence de l’homme, non pas en brûlant des combustibles fossiles, mais en labourant le tiers central des États-Unis », rapporte Gérard Meehl, auteur principal de l’étude. « Il est possible que des sécheresses régionales intenses à l’avenir puissent également influencer les extrêmes de chaleur dans l’hémisphère nord ».