La durée de vie du boson de Higgs mesurée en septillionièmes de seconde

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Crédits : tommyvideo/Pixabay

Des physiciens du CERN ont mesuré la durée de vie du boson de Higgs avec plus de précision que jamais auparavant. Pour leurs travaux, les chercheurs ont eu recours à une solution de contournement créative.

Qu’est-ce qu’un boson de Higgs ?

Théorisé au milieu des années 60 par le physicien Peter Higgs, le boson de Higgs (qui porte donc son nom) s’est finalement révélé en 2012. Imaginez alors une molécule. Les molécules sont composées d’atomes, eux-mêmes composés de protons et de neutrons. Décomposez ces derniers, et vous trouvez des particules élémentaires. Autrement dit, au terme de ce jeu des poupées russes, on ne peut pas faire plus petit. Le boson de Higgs est l’une de ces particules élémentaires. Il faut également comprendre que ces bosons se présentent sous la forme d’un « champ » tapissant uniformément tout le cosmos.

Pour bien comprendre, prenons l’exemple d’un tapis de neige parfaitement identique en tout point dans l’univers. Le boson de Higgs serait ici le flocon qui compose ce tapis. Imaginez ensuite un skieur débouler à une vitesse folle. Il n’a alors pas le temps de s’enfoncer et ne laisse donc aucune trace. Ce skieur pourrait par exemple être le photon qui compose la lumière. Un photon évolue si rapidement qu’il n’interagit pas avec le champ de Higgs. Il ne « s’enfonce pas » et n’acquiert donc pas de masse. Dans l’idée, plus une particule interagit avec le champ de Higgs, plus elle acquiert une masse.

En résumé, le boson de Higgs est donc une particule élémentaire qui compose le champ de Higgs, dont l’interaction avec les autres particules détermine leur masse. Son importance est telle que sans lui, il n’y aurait pas matière. Sa détection en 2012 fut ainsi considérée comme l’une des percées scientifiques les plus importantes d’un siècle.

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Crédits : Thomas McCauley, CMS / CERN

Un « personnage » encore difficile à cerner

Depuis 2012, boson de Higgs a été régulièrement produit dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC), ce qui a permis aux physiciens d’étudier ses propriétés. Toutefois, certaines d’entre elles sont encore difficiles à cerner en raison de sa courte durée de vie (quelques septillionièmes de seconde). Au-delà, le boson de Higgs se désintègre en effet en d’autres particules. D’ailleurs, sa durée de vie est elle-même l’une des propriétés les plus difficiles à mesurer directement. C’est ce qui nous ramène à cette étude.

Pour tenter de mesurer précisément la durée de vie du boson de Higgs, des chercheurs du CERN se sont appuyés sur une méthode indirecte, en se focalisant sur sa largeur de masse;  la plage de masses possibles que la particule peut avoir. Plus la largeur de masse d’une particule est large, plus sa durée de vie est courte, ce qui permet aux physiciens de calculer cette dernière en mesurant la première.

210 yoctosecondes

La masse nominale du boson de Higgs (sa valeur habituelle et la plus courante) est de 125 gigaélectronvolts (GeV). Toutefois, grâce à l’étrangeté du principe d’incertitude de Heisenberg, il peut arriver que des versions proposant des masses plus importantes soient également produites.

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont calculé le rapport entre les bosons de Higgs proches de leur masse nominale et ceux avec une masse beaucoup plus grande que d’habitude. En s’appuyant sur cette technique, ils déterminent aujourd’hui que la durée de vie du boson de Higgs est de 210 yoctosecondes, c’est-à-dire de l’ordre du septillionième de seconde (un point décimal suivi de 22 zéros).

L’incertitude de cette valeur est de (+2,3/-0,9) x 10^-22 secondes, ce qui en fait la mesure la plus précise de la durée de vie du boson de Higgs à ce jour. Ces travaux marquent donc une étape importante dans l’étude des propriétés de cette particule unique.