Durant la guerre froide, les essais nucléaires ont changé les pluies sur des milliers de kilomètres

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Crédits : Wikimedia Commons

Selon de nouveaux travaux, l’ionisation artificielle de l’atmosphère pendant la guerre froide a provoqué une hausse détectable des pluies dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres autour des sites d’essais nucléaires. Les résultats obtenus sont en accord avec la théorie. Par ailleurs, ils éclairent le socle sur lequel reposent certaines techniques de géo-ingénierie visant à faire pleuvoir.

La période dite de guerre froide qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale a été marquée par de fortes tensions géopolitiques. La course à l’armement nucléaire en est un marqueur symbolique. Dans ce contexte, de nombreux essais de terrain ont été effectués. En particulier, de 1950 au début des années 1960 pour ce qui a trait aux tests atmosphériques et sous-marins. Les expérimentations ont eu lieu en région désertique, autour d’îlots du Pacifique ou encore à proximité du cercle arctique.

Impact des essais nucléaires sur la formation de la pluie

Dès 1963, un traité interdisant le recours à ce type d’expériences est signé. Les essais ont toutefois dégagé une quantité impressionnante de radionucléides et de particules électriquement chargées dans l’air. Propagés autour du globe, les éléments émis ont été attentivement suivis. Notamment par les météorologues qui les ont utilisés comme traceurs de la circulation atmosphérique de grande échelle. Ainsi, indirectement, les essais nucléaires ont permis de mieux comprendre sa structure et son fonctionnement.

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Les essais nucléaires ont perturbé le champ électrique atmosphérique de façon notable vers 1960. Et ce, sur des rayons de plusieurs milliers de kilomètres autour des zones de tests. Crédits : Needpix.

Dans une étude parue le 13 mai, des chercheurs de l’Université de Reading (Royaume-Uni) ont retravaillé les données issues de stations britanniques remontant aux années 1962-1964. Ceci, afin d’évaluer comment les perturbations électriques liées aux essais nucléaires ont influencé les nuages et la survenue de précipitations. Cette quête n’est pas hasardeuse puisque les physiciens savent depuis longtemps que les charges électriques modulent la capacité des gouttelettes nuageuses à entrer en collision. Autrement dit, leur propension à croître et à donner de la pluie.

Perturbations électriques : des implications pratiques

En comparant les mesures du champ électrique de la station de Kew Gardens (Londres) avec les mesures météorologiques de celle de Lerwick (Écosse), les scientifiques ont constaté un effet. Plus précisément, lorsque le champ électrique est renforcé, l’épaisseur et la propension qu’ont les nuages à précipiter sont plus importantes – d’environ 25%. Le choix du lieu n’est pas neutre puisque situé au sud d’une zone d’essais. En outre, il se trouve éloigné d’autres formes de pollution ce qui assure une bonne détection des impacts éventuels.

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Crédits : Flickr

Les résultats sont donc significatifs et en accord avec la théorie. Or, certaines techniques de géo-ingénierie s’orientent vers la modification locale du champ électrique pour influencer les précipitations. Lesquelles ont l’avantage de ne pas utiliser de substances chimiques. Un tel projet est par exemple en cours d’investigation aux Émirats arabes unis dans le cadre du programme de recherche Rain Enhancement Science. De fait, les données livrées par cette nouvelle étude ne sont pas sans implications. Loin s’en faut.

Cependant, il faut noter que l’effet explicité concerne seulement les nuages chauds – constitués d’eau liquide – et non orageux. En effet, lorsque les amas cotonneux développent de fortes perturbations électriques de façon naturelle comme le fait le cumulonimbus, l’effet n’est pas détectable et est de toute manière négligeable. Tous les nuages ne sont donc pas affectés de la même façon. Affaire à suivre !

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