D’où vient cette odeur de terre si particulière libérée par la pluie ?

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D’où vient cette odeur terreuse particulière qui vient nous chatouiller les narines lorsque nous rapprochons notre nez du sol ou dès que la pluie tombe ? Une étude lève le voile sur ce sujet, pointant du doigt un processus évolutif particulièrement efficace.

Il y a certaines odeurs auxquelles nous sommes très sensibles. Comme celle de l’essence, qui est en réalité celle du benzène, ou celle de l’herbe fraîchement coupée qui, on le sait, est constituée de composés synthétisés par les feuilles de nombreuses espèces végétales en réponse à une agression (comme une attaque de tondeuse). Nous apprécions également, pour la plupart, l’odeur de la terre, dont la puissance est exacerbée avec la pluie qui tombe. Elle peut être sentie dans nos jardins, nos potagers ou encore en forêt.

Deux chercheurs australiens, en 1960, ont nommé cette odeur « petrichor », d’après le nom d’une huile particulière produite par certaines plantes pendant les périodes sèches, libérée ensuite dans l’air quand il pleut. Un composant majeur du petrichor est un composé organique appelé géosmine. Nous savons désormais que certaines bactéries du genre Streptomyces produisent elles aussi de la géosmine, ainsi qu’un autre produit chimique organique à forte odeur nommé 2-méthylisoborneol (2-MIB).

Ainsi, nous savons ce qui compose cette odeur de terre si particulière (de la géosmine et du 2-méthylisoborneol). Mais jusqu’à présent, nous ne savions pas exactement pour quelle raison ces bactéries généraient cet arôme si distinctif.

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Un piège à collemboles

Pour tenter de le découvrir, Paul Becher et son équipe, de l’Université suédoise des sciences agricoles d’Alnarp, ont installé plusieurs pièges dans les bois. Certains contenaient des colonies de Streptomyces, et d’autres non.

Ils se sont alors très vite aperçus que les molécules libérées par les Streptomyces attiraient des collemboles, de petits hexapodes essentiels à l’équilibre des sols. En revanche, ces derniers ne semblaient pas du tout attirés par les pièges exempts de bactéries Streptomyces. Et en comparaison, insectes et arachnides n’étaient attirés par aucun piège.

Pour vérifier si les collemboles étaient effectivement sensibles aux produits chimiques libérés par les bactéries, les chercheurs ont attaché de petites électrodes à leurs antennes en laboratoire. Ils les ont ensuite exposés à la géosmine et au 2-MIB et ont remarqué un pic d’activité électrique dans leur cerveau. À l’inverse, les collemboles ne montraient aucune réponse électrique à d’autres composés d’essai.

Par ailleurs, les chercheurs ont également découvert que les bactéries, toujours en laboratoire, fabriquaient davantage de géosmine et de 2-MIB lorsqu’elles formaient des spores que lorsqu’elles n’en formaient pas.

Les chercheurs en sont donc arrivés à la conclusion suivante : les bactéries du genre Streptomyces libèrent de la géosmine et du 2-méthylisoborneol dans le but d’attirer les collemboles qui, ensuite, pourront disperser leurs spores. À la manière des fleurs finalement qui, de par leurs couleurs, formes, tailles et parfums, attirent les insectes pour disperser leur pollen.

« Ça paraît tellement logique, explique Marie Elliot, de l’Université McMaster au Canada. Les streptomyces n’ont aucun moyen direct de disperser leurs spores. Attirer des créatures comme les collemboles fournirait un excellent moyen de pouvoir le faire ».

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature Microbiology.

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