manchot pygmée (Eudyptula minor) divorce
Crédits : Scott Cresswell/Flickr - Modif. : Sciencepost.fr

Entre divorces et tromperies : la vie trépidante de ces manchots inquiète les experts

Les manchots (Eudyptula minor) sont connus pour s’accoupler avec le même partenaire pendant plusieurs années, parfois même pour la vie. Cependant, au même titre que les colonies de fauvettes des Seychelles, celles de ces oiseaux noir et blanc emblématiques connaissent une hausse des taux de divorce, ces animaux préférant abandonner leurs partenaires en quête de compagnons plus adaptés. Mais qu’est-ce qui explique ce changement et quelles pourraient en être les implications ? Une nouvelle étude réalisée sur les populations de l’île Phillip Island, désormais devenue une sorte de Love Island pour oiseaux de mer, explore ce phénomène surprenant.

Une augmentation exponentielle des divorces chez les manchots

La colonie de manchots de Phillip Island est bien connue pour attirer chaque année des milliers de visiteurs qui assistent au défilé des manchots, un évènement au cours duquel ces animaux rentrent de l’océan vers leurs terriers à la tombée de la nuit. Toutefois, l’observation des couples de volatiles locaux a récemment pris une tournure moins romantique et remet fortement en cause la croyance selon laquelle les manchots resteraient fidèles à vie.

Une recherche publiée le 11 janvier dans Ecology and Evolution met en effet en lumière un phénomène inquiétant, en particulier parmi les populations de petits manchots de Phillip Island (Australie). Réalisée sur une période de dix ans, ce qui couvre pas moins de treize saisons de reproduction, elle révèle que les manchots se séparent de plus en plus lorsqu’ils estiment que leur succès reproductif est menacé. En cas de nombre insuffisant de petits, certains changent ainsi de partenaire dans l’espoir d’obtenir de meilleurs résultats la saison suivante.

« Dans les périodes favorables, ils restent majoritairement fidèles à leurs partenaires, même s’il y a souvent un peu d’infidélité en parallèle », explique Richard Reina, co-auteur de l’étude et chercheur à l’université Monash, en Australie. « Cependant, après une mauvaise saison de reproduction, ils peuvent chercher un nouveau partenaire pour la saison suivante afin d’améliorer leur succès reproductif. Nous avons enregistré près de 250 divorces de manchots parmi environ 1 000 couples étudiés, et nous avons constaté que les années avec un taux de divorce plus faible correspondaient à un meilleur succès de reproduction. »

Autrefois considérés comme des modèles de dévotion dans le règne animal comme les cygnes, les manchots vivent donc des changements profonds, mais à quoi cela est-il dû ?

Pourquoi ont-ils abandonné l’amour éternel ?

Autrefois rares, ces divorces sont associés à des échecs de reproduction ainsi qu’à des facteurs de stress environnementaux comme la pénurie alimentaire ou l’instabilité de l’habitat qui peuvent fragiliser les couples. Phillip Island abrite une colonie d’environ 37 000 manchots, et la hausse des taux de divorce suscite des inquiétudes quant à la viabilité à long terme de cette population.

Les chercheurs avertissent en effet que des taux de divorce plus élevés risquent d’entraîner un succès reproductif globalement plus faible, ce qui exercerait une pression supplémentaire sur la croissance et la stabilité de la colonie. L’étude révèle également que « le taux de divorce parmi les manchots est un indicateur plus fiable du succès reproductif de la colonie que des facteurs environnementaux comme les changements d’habitat ou des comportements tels que le temps passé à chercher des proies », selon l’université australienne.

Des coûts associés au divorce chez les manchots

Selon ces travaux, les manchots divorcés perdent beaucoup de temps à « rechercher un partenaire et à effectuer des parades nuptiales », ce qui peut retarder ou même empêcher la reproduction. De plus, cela pourrait forcer les parents à chercher de la nourriture pour leurs poussins à des périodes où les ressources alimentaires sont plus rares. Les nouveaux couples pourraient également avoir du mal à coordonner des tâches complexes telles que la construction du nid, l’incubation des œufs et l’élevage des poussins, contrairement aux couples établis de longue date. L’étude montre à ce titre que les manchots qui restent ensemble pendant plusieurs saisons connaissent un succès reproductif accru au fil du temps.

Un aperçu précieux pour la conservation

Cette recherche sur les petits manchots de Phillip Island offre un aperçu essentiel des dynamiques sociales de cette espèce d’oiseaux et aide à mieux planifier les efforts de conservation pour les protéger. « Nos résultats suggèrent également que le suivi des taux de divorce pourrait constituer un outil précieux et non invasif pour suivre les tendances reproductives chez les oiseaux marins, notamment dans les populations confrontées à des conditions environnementales fluctuantes », concluent les auteurs de l’étude.

Vous pouvez consulter l’étude sur ce lien.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.