Disparition du Sahara, Sibérie tempérée… : l’étonnant climat d’une Terre à rotation rétrograde

Crédits : Needpix.com.

Bien des facettes du monde changeraient si la Terre se mettait à tourner en sens inverse. Le climat et l’environnement naturel subiraient de profondes réorganisations, toutes choses égales par ailleurs. Or, si certains de ces changements sont facilement anticipables sur la base d’un raisonnement physique simple, d’autres sont plus inattendus comme nous le verrons dans cet article.

La planète tourne autour de son axe en sens prograde, c’est-à-dire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre lorsqu’on observe son pôle nord. On parle également de sens direct. Comment le climat et l’environnement général répondraient si ce sens de rotation était inversé – autrement dit, devenait rétrograde ? Il se trouve qu’une expérience de ce type a été conduite il y a quelques années grâce à un modèle climatique de dernière génération. Il s’agit du Max Planck Institute Earth system model, dont les résultats issus d’une simulation de 7000 ans permettent de mieux comprendre le fonctionnement du système climatique.

Des mouvements de l’air aux grands déserts du globe

La première chose qui frappe, mais anticipée il y a déjà plus d’un siècle sur la base de relations physiques simples, est l’inversion des grands courants atmosphériques. Aux tropiques, les alizés ne sont plus orientés vers l’ouest mais vers l’est. Aux latitudes tempérées, la vigoureuse bande de vents d’ouest habituelle souffle en sens opposé. Ces changements structurels ont bien évidemment des répercussions majeures sur la circulation de l’océan et les climats régionaux. L’Europe de l’Ouest est par exemple soumise à des vents continentaux bien plus froids tandis qu’en Sibérie, l’influence océanique rend les conditions nettement plus chaudes et humides. En résumé, les côtes occidentales et orientales des continents échangent leurs climats. Les figures ci-dessous illustrent les différences en termes de températures et de précipitations à l’échelle du globe.

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Différence en température à 2 mètres (gauche) et en précipitations (droite) annuelles. Les valeurs positives indiquent un climat plus chaud ou plus humide sur une Terre à rotation rétrograde. Notez comment l’Europe de l’Ouest voit sa température moyenne refroidie. Crédits : Uwe Mikolajewicz & al. 2018.

Une conséquence assez inattendue et assez surprenante est la disparition quasi complète des grandes zones désertiques du Sahara et du Moyen-Orient. En effet, une pluviométrie beaucoup plus généreuse y autorise la présence de forêts et de prairies humides. L’aridité se retrouve en fait déportée vers les Amériques. Aussi, le sud des États-Unis perd son climat subtropical humide caractéristique et plonge dans l’aridité. Sur cette Terre bis, l’Argentine et le sud du Brésil deviennent le plus grand désert du monde. Néanmoins, ce monde rétrograde ne possède pas de zones sèches aussi étendues que l’actuel. Autrement dit, la végétation terrestre est en moyenne plus abondante.

Différence au niveau du couvert végétal. Les valeurs positives indiquent une végétation augmentée, inversement pour les valeurs négatives. Crédits : Uwe Mikolajewicz & al. 2018.

Les contraintes sur le climat à grande échelle

Le climat global, en température moyenne par exemple, se trouve pourtant très peu affecté, même avec un cycle du carbone interactif. Et pour cause, la capture plus importante sur les continents est largement compensée par un dégazage plus efficace des océans. Ainsi, la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2) est très peu modifiée. La perturbation avancée par les chercheurs est seulement de l’ordre de 7 à 8 ppm (parties par million).

De manière générale, il est intéressant de noter que malgré toutes les réorganisations rapportées, les valeurs d’équilibres globales ou zonales restent relativement inchangées (bilan radiatif, hydrique, de quantité de mouvement, etc.). Cela témoigne bien des contraintes énergétiques auxquelles est soumis le système climatique. Ce sont elles qui limitent fortement l’espace des solutions possibles aux grandes échelles. Toutefois, si ces contraintes évoluent – via une modification de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre, ou autres – alors le climat global évoluera lui aussi, inévitablement.

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