Les dinosaures vivaient avec des étés bien plus chauds que prévu

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Crédits : Raul Martin

Le climat qui a accompagné le monde des dinosaures est connu pour avoir été particulièrement chaud à échelle globale. Conséquence d’une atmosphère plus riche en gaz à effet de serre, on pensait également que les contrastes de température entre l’été et l’hiver étaient très diminués à l’image de ce que l’on observe dans la zone tropicale. Or, ce paradigme a récemment été remis en question par les résultats d’une équipe de chercheurs européens. L’étude a été publiée le 10 juin dans la revue Communications Earth & Environment.

C’est en analysant le squelette de mollusques fossiles avec une technique novatrice que les scientifiques sont arrivés à cette conclusion. En effet, l’étude des isotopes de l’oxygène contenus dans les coquilles permet de déduire la température de l’océan au moment où elles se sont développées, mais à une condition : être au fait de la chimie de l’eau de mer, car elle influence également le rapport isotopique. Or, cette chimie passée n’est pas connue avec précision, ce qui introduit inévitablement un biais dans les calculs visant à retranscrire le climat de l’époque.

Une nouvelle technique de précision pour l’analyse isotopique

Pour parer à ces difficultés, les chercheurs ont eu recours à la méthode dite des isotopes regroupés qui ne nécessite pas cette connaissance préalable. Elle permet donc de remonter directement à la température. Jusqu’à présent, il était cependant impossible de l’utiliser à l’échelle mensuelle ou saisonnière, car elle demande une quantité très importante de carbonates (trouvés dans les coquilles). Grâce à la technique développée par Niels J. de Winter et ses collègues, il est désormais possible d’en tirer parti avec une quantité beaucoup plus faible. Ainsi, la précision des données s’en trouve améliorée et les fluctuations saisonnières deviennent accessibles.

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Paléogéographie il y a 78 millions d’années. L’encart noir indique grossièrement la zone où les mollusques prélevés évoluaient à cette époque. Crédits : Niels J. de Winter & coll. 2021.

« Il est très difficile de déterminer les changements climatiques d’il y a si longtemps à l’échelle saisonnière, mais l’échelle saisonnière est essentielle pour obtenir de bonnes reconstructions climatiques », explique Niels J. de Winter, auteur principal de l’étude. « On pensait qu’à l’époque des dinosaures, la différence entre les saisons était faible. Nous avons maintenant établi qu’il y avait des différences saisonnières plus importantes. Avec la même température moyenne sur un an, vous vous retrouvez avec une température beaucoup plus élevée en été ».

Un climat bien plus chaud, mais des contrastes saisonniers préservés

Datés de 78 millions d’années, les mollusques qui prospéraient dans les mers chaudes et peu profondes au sud de l’actuelle Suède ont révélé que la température de l’eau à 50 °N fluctuait entre 15 °C et 27 °C. « Nos reconstructions montrent que la température moyenne a bien augmenté, mais que la différence de température entre l’été et l’hiver est restée assez constante », détaille Niels J. de Winter. « Cela a conduit à des étés plus chauds et des hivers plus chauds ».

Crédits : iStock.

Outre les interrogations qu’ils amènent sur la façon dont les reconstructions climatiques sont élaborées, les résultats éclairent également le futur en précisant la nature des climats plus chauds. Comme déjà indiqué par les modèles climatiques, ces derniers ne sont pas caractérisés par une température homogène tout au long de l’année. Si l’on pouvait douter de la validité des simulations en raison du désaccord apparent avec les reconstructions observationnelles, la découverte faite dans le cadre du présent travail montre que ce sont bien ces dernières qui possédaient un biais. En le corrigeant, on trouve un très bon accord entre modèles et observations.

« Les résultats suggèrent donc qu’aux latitudes moyennes, les températures saisonnières augmenteront avec le réchauffement climatique, tandis que la différence saisonnière sera maintenue. Il en résulte des températures estivales très élevées », explique l’auteur principal.  « Nous concluons que le biais saisonnier et les hypothèses sur la composition de l’eau de mer peuvent fausser les reconstructions de température et notre compréhension des climats à effet de serre passés », note l’étude dans son résumé.