Ce dinosaure incroyablement bien préservé nous livre ses secrets

dinosaure
Le dinosaure cuirassé, si bien conservé que nous pourrions le confondre avec une statue de pierre. Crédits : Musée Royal Tyrrell

C’est à ce jour l’un des dinosaures les mieux conservés jamais retrouvés. Presque tout de l’animal (la peau, l’armure d’écailles qui la recouvre, les pointes le long de ses flancs, ses pattes et même son visage) a survécu à la fossilisation. Physiquement, imaginez un énorme tatou plus haut sur pattes et le museau plus court armé de pics robustes et épais. Le dinosaure, qui mesurait plus de cinq mètres, évoluait il y a environ 110 millions d’années au niveau de l’actuelle Alberta (Canada). Depuis la découverte de ses restes en 2017, les paléontologues ont étudié l’animal sous toutes les coutures et relevé une mine d’informations.

L’une des raisons pour lesquelles ce dinosaure était si bien conservé est qu’il était recouvert d’une concrétion très épaisse et très dure. Cette masse aura permis de maintenir le fossile en 3D, contrairement aux fossiles généralement aplatis en 2D par la pression de la roche sus-jacente. Il aura fallu pas moins de deux semaines aux chercheurs pour fouiller sa dépouille et la ramener au Royal Tyrell Museum dans d’énormes blocs séparés. Le technicien principal de préparation Mark Mitchell s’est ensuite chargé de séparer le fossile de la pierre, un véritable travail de minutie qui, à raison de sept heures par jour, aura duré plus de cinq ans.

De la terre à la mer

Borealopelta markmitchelli, qui signifie « bouclier du Nord », était un nodosaure, un type d’ankylosaure à quatre pattes avec une queue droite. Première surprise : son corps fut retrouvé dans un ancien milieu marin (aujourd’hui une mine située au nord-est de l’Alberta). Pourtant l’animal était bien terrestre. Ce n’est pas le premier retrouvé dans un environnement aussi différent du sien, mais aucun n’est aussi bien préservé que ce dinosaure.

Pour les paléontologues, sa carcasse a probablement été transportée d’une rivière à la mer lors d’une crue. L’animal a vraisemblablement flotté à la surface pendant quelques jours à cause de l’accumulation de gaz post-mortem avant de finalement sombrer dans les profondeurs de l’océan. Une modélisation informatique suggère également que, durant ce laps de temps, la dépouille du dinosaure était probablement retournée à cause de son armure très lourde. Cette position aurait par ailleurs empêché les prédateurs marins de s’attaquer à sa carcasse.

Nous savons en outre que son corps s’est retrouvé à au moins cinquante mètres de profondeur, car il a été préservé avec un minéral particulier appelé glauconite, qui ne se forme qu’à des températures très froides enregistrées le plus souvent dans les eaux profondes. Un environnement aussi froid et sombre aurait aussi découragé les charognards. Les chercheurs n’ont par ailleurs découvert aucune trace fossile de vers, de crustacés ou autres bivalves capables de digérer ses tissus à proximité du corps. Là encore, ces conditions ont favorisé son exceptionnelle conservation.

dinosaure Borealopelta markmitchelli
Crédits : Royal Tyrrell Museum of Palaeontology

Un camouflage efficace

Extérieurement, sa peau était recouverte de structures osseuses appelées ostéodermes. Étant donné que la peau survit rarement à la fossilisation, les ostéodermes se trouvent généralement dispersés autour des os d’ankylosaure. Ce dinosaure a donc offert aux paléontologues une rare opportunité de placer précisément chacune de ces structures sur la majeure partie de son corps (172 au total).

Naturellement, savoir où se trouvait chacune de ces « pièces de puzzle » permet d’en apprendre davantage sur leur fonction. Des recherches supplémentaires doivent être effectuées, mais pour le moment, les auteurs suggèrent que les épines situées le long de ses flancs n’avaient peut-être pas une fonction défensive. Au lieu de cela, elles pourraient avoir servi dans les parades nuptiales de ces animaux.

Autre point notable : la coloration de Borealopelta markmitchelli aurait peut-être aidé ce dinosaure à se camoufler dans son environnement. Les chercheurs ont en effet isolé des preuves suggérant que l’animal utilisait ce qu’on appelle un « contre-ombrage ». Autrement dit, la coloration de son corps était plus foncée sur le dessus, ce qui signifie que les parties les plus exposées à la lumière étaient les moins visibles. De nos jours, cette stratégie est utilisée par un certain nombre d’espèces animales.

Ainsi, ce mécanisme de défense laisse penser que l’animal devait lui aussi régulièrement faire face à de redoutables prédateurs. Nous savons qu’à son époque, Borealopelta markmitchelli coexistait avec des Allosaurus et Carcharodontosaurus, deux théropodes au moins deux fois plus grands que lui.

dinosaure Borealopelta markmitchelli
Une illustration de Borealopelta markmitchelli dans son environnement. Crédits : Royal Tyrrell Museum of Palaeontology

Le dernier repas de ce dinosaure

L’étude approfondie de l’anatomie de ce fossile n’a pas permis de découvrir son sexe. En revanche, nous connaissons son dernier repas. Étonnamment, son estomac était en effet particulièrement bien conservé, avec à l’intérieur une masse de restes digestifs de la taille d’un ballon de football.

Après examen de minces sections du contenu stomacal de ce dinosaure au microscope, il est ressorti que son dernier repas était composé de grandes feuilles de fougère : 88% de feuilles mâchées et 7% de tiges et de rameaux. Les chercheurs n’ont cependant retrouvé quasiment aucune trace de feuilles de cycadales ou de conifères. Ces végétaux étaient pourtant communs dans la région à cette époque.

Par ailleurs, les chercheurs ont également isolé du charbon de bois provenant de fragments de plantes brûlées. Cela suggère que, à l’instar de certains animaux aujourd’hui, ces dinosaures fréquentaient régulièrement des zones récemment incendiées pour profiter des jeunes pousses.

Néanmoins, il est important de rappeler que ces contenus stomacaux proviennent d’un seul spécimen et qu’il s’agit seulement du dernier repas. Ainsi, même si ces analyses nous donnent de vraies indications sur le régime alimentaire de ces animaux, on ne peut généraliser ces résultats à l’ensemble des membres de son espèce.