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ASKAP et la Voie lactée. Crédit : CSIRO

«Différent de tout ce que nous avons vu auparavant » : Un objet mystérieux envoie d’étranges signaux vers la Terre toutes les 44 minutes

Imaginez un objet lointain dans l’univers, invisible à l’œil nu, qui envoie des signaux radio et des rayons X à intervalles parfaitement réguliers… toutes les 44 minutes. Ni étoile à neutrons, ni magnétar connu, ni naine blanche ordinaire, cet émetteur cosmique a récemment été découvert par une équipe internationale d’astronomes – et il met à l’épreuve toutes nos théories sur les étoiles et leurs cycles de vie.

Baptisé ASKAP J1832-0911, cet objet aussi mystérieux que fascinant pourrait bien représenter une toute nouvelle catégorie d’astres, voire révéler une physique encore inconnue. Retour sur une découverte stupéfiante publiée le 28 mai dans la prestigieuse revue Nature.

Des signaux « impossibles » venus de l’espace lointain

Tout commence avec le télescope ASKAP (Australian Square Kilometer Array Pathfinder), un radiotélescope australien conçu pour surveiller de larges portions du ciel. En scrutant une zone située à des milliers d’années-lumière, ASKAP capte un signal radio intense de deux minutes, qui se répète… toutes les 44 minutes. Rien dans les modèles astrophysiques actuels n’explique un tel comportement.

Intrigués, les astronomes examinent ces signaux de plus près. L’équipe, dirigée par Andy Wang, de l’université Curtin à Perth, en Australie, comprend très vite qu’il ne s’agit ni d’un pulsar classique (qui envoie des signaux toutes les quelques secondes), ni d’un magnétar tel qu’on les connaît, ni d’une simple anomalie instrumentale.

Coup de chance au bon moment : Chandra confirme la détection en rayons X

Alors qu’ils cherchent à comprendre ce qu’ils ont sous les yeux, les chercheurs découvrent que, par un incroyable hasard, l’observatoire spatial Chandra, spécialisé dans les rayons X, observait la même région du ciel… au même moment.

Résultat : ASKAP J1832-0911 émet aussi des rayons X, et cela, c’est une première. Jusqu’ici, aucun phénomène de ce type — ce qu’on appelle un « transitoire à longue période » (LPT) — n’avait été détecté dans cette partie du spectre électromagnétique. Cette découverte marque donc un tournant dans l’étude de ces phénomènes extrêmes, encore largement inexplorés.

Une classe d’objets encore très peu comprise

Les transitoires à longue période ne sont pas tout à fait nouveaux : les astronomes en ont repéré une poignée depuis 2022. Ils se caractérisent par des impulsions puissantes mais très espacées dans le temps, ce qui les rend particulièrement difficiles à détecter. ASKAP J1832-0911 n’est que le dixième objet de ce genre jamais identifié.

Ce qui le rend encore plus singulier, c’est son comportement double : il émet des ondes radio et des rayons X, de manière répétée, stable et synchronisée. Cela implique un moteur astrophysique extrêmement puissant, mais encore inexpliqué à ce jour.

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Image au télescope de la région du ciel entourant ASKAP J1832-0911. Crédit image : Ziteng (Andy) Wang, ICRAR

Des hypothèses… mais aucun modèle satisfaisant

Parmi les hypothèses envisagées : un magnétar ultra-lent, dont la rotation serait particulièrement lente ; ou encore un système binaire composé d’une naine blanche hautement magnétisée et d’un compagnon invisible. Mais aucune de ces explications ne colle parfaitement avec les observations.

« Cet objet ne ressemble à rien de ce que nous avons observé auparavant », explique Andy Wang. « Même nos hypothèses les plus audacieuses laissent des zones d’ombre. »

Son collègue, Nanda Rea, astrophysicienne à l’Institut catalan d’études spatiales, ajoute : « Il est probable qu’il existe beaucoup d’autres objets similaires. Le fait d’avoir détecté cet exemple si clairement, avec une signature double, nous donne une fenêtre totalement inédite sur un domaine mal compris. »

Une fenêtre ouverte sur une nouvelle physique ?

La découverte d’ASKAP J1832-0911 illustre parfaitement le potentiel des nouvelles générations de télescopes, capables d’interagir entre eux pour observer des phénomènes en plusieurs longueurs d’onde. En combinant radio et rayons X, les scientifiques peuvent désormais poser des contraintes beaucoup plus strictes aux modèles théoriques.

Et si ce que nous observons n’est pas seulement un objet exotique, mais la manifestation d’un phénomène physique encore inconnu ? Certains chercheurs n’excluent pas que cette découverte ouvre la voie à des révisions profondes de nos modèles sur l’évolution stellaire, voire à de nouvelles lois de la physique.

Et maintenant ?

Pour mieux comprendre ces phénomènes, les astronomes veulent maintenant repérer d’autres objets du même type, en croisant à grande échelle les données de télescopes radio et à rayons X. Des campagnes d’observation sont déjà en préparation, notamment avec le futur Square Kilometer Array, qui promet une sensibilité encore inégalée.

En attendant, ASKAP J1832-0911 reste un mystère céleste : un objet qui clignote comme un phare lointain, à un rythme que personne n’avait jamais vu — un signal que l’univers semble vouloir nous faire entendre, sans qu’on en comprenne encore le message.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.