chenilles plastique
Crédits : Love Employee/istock

Dévoreuses de plastique : ces chenilles digèrent en un jour ce qui met des siècles à disparaître !

Chaque année, plus de 100 millions de tonnes de polyéthylène sont produites dans le monde. Ce plastique, omniprésent dans nos sacs, emballages et contenants, est aussi l’un des plus résistants à la dégradation. Il faut des décennies, voire des siècles, pour qu’il se décompose naturellement. Face à ce défi environnemental majeur, une équipe de chercheurs canadiens propose une solution aussi inattendue qu’intrigante : utiliser des chenilles pour le digérer.

Une larve contre le plastique

À l’université de Brandon, au Canada, le Dr Bryan Cassone et son équipe se sont intéressés à un insecte bien connu des apiculteurs : le ver de cire, ou plus précisément la chenille de la grande teigne de la cire (Galleria mellonella). Ces larves sont naturellement friandes de cire d’abeille, qu’elles consomment dans les ruches, au grand dam des colonies. Mais elles possèdent un autre talent qui pourrait bien transformer notre rapport aux déchets : elles sont capables de grignoter du plastique, et plus précisément du polyéthylène.

Le chiffre impressionne : selon les chercheurs, environ 2 000 vers de cire peuvent décomposer un sac plastique en seulement 24 heures. Un exploit lorsqu’on sait que ce même sac pourrait persister dans l’environnement pendant des centaines d’années.

Digestion chimique ou miracle biologique ?

Ce phénomène n’est pas tout à fait nouveau : une première découverte en 2017 avait déjà révélé que ces chenilles pouvaient s’attaquer au plastique. Mais la nouvelle étude va beaucoup plus loin. Grâce à une série d’analyses, l’équipe de Cassone a montré que les vers de cire ne se contentent pas de ronger le plastique : ils le digèrent réellement, en le transformant en lipides, stockés sous forme de graisse corporelle. En d’autres termes, ils métabolisent le plastique, comme nous le faisons avec les graisses alimentaires.

Comment est-ce possible ? La clé semble résider dans leur microbiote intestinal, un écosystème bactérien qui joue un rôle crucial dans cette dégradation. Les chercheurs tentent désormais d’identifier les enzymes ou processus biologique responsables, avec l’objectif de les isoler et de les reproduire en laboratoire.

chenilles plastique
Crédits : Love Employee/istock

Une chenille pas si invincible

Mais tout n’est pas aussi simple. Malgré leur appétit plastique, les vers de cire ne peuvent survivre longtemps avec un régime exclusivement composé de polyéthylène. En quelques jours, ils perdent du poids et finissent par mourir. L’ingestion de plastique ne leur fournit ni énergie suffisante, ni nutriments essentiels à leur survie.

Pour contourner ce problème, les chercheurs explorent l’idée d’une « co-supplémentation » alimentaire : en ajoutant des stimulants comme des sucres à leur alimentation, il serait possible de maintenir les vers en bonne santé tout en les laissant consommer du plastique.

Vers une solution industrielle ?

Cette recherche ouvre deux pistes majeures pour la lutte contre la pollution plastique. La première serait de produire à grande échelle des vers de cire nourris au polyéthylène, dans une logique d’économie circulaire. Mais une telle approche pose de nombreuses questions pratiques, éthiques et écologiques, notamment en raison de l’impact potentiel sur les populations d’abeilles, déjà fragilisées. Les vers de cire étant des parasites des ruches, un élevage massif pourrait aggraver une situation déjà préoccupante.

La deuxième voie, plus prometteuse à long terme, consiste à identifier les mécanismes biologiques précis de la dégradation et à les reproduire sans les chenilles. Cela passerait par l’isolation des enzymes impliquées, et leur utilisation dans des procédés industriels pour traiter les déchets plastiques. Des initiatives similaires ont déjà été explorées avec des champignons et des bactéries, mais celles-ci peinent encore à être déployées à grande échelle.

Un potentiel à confirmer

Bien que les résultats soient spectaculaires, ils ne doivent pas masquer l’ampleur du défi. Pour traiter ne serait-ce qu’une fraction des 100 millions de tonnes de polyéthylène produites chaque année, il faudrait mobiliser des milliards de chenilles. Une solution basée uniquement sur les vers de cire est donc loin d’être viable à grande échelle.

Mais cette recherche n’en est pas moins essentielle. Elle contribue à enrichir notre compréhension des mécanismes naturels capables de s’attaquer à l’un des matériaux les plus polluants au monde. Et surtout, elle ouvre des perspectives nouvelles pour une bio-ingénierie du recyclage, plus respectueuse de l’environnement et potentiellement très efficace.

En d’autres termes, si les chenilles plastivores ne peuvent pas à elles seules sauver la planète, elles nous montrent peut-être le chemin vers des solutions radicalement nouvelles.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.