Deux cultures anciennes qui n’avaient aucun lien ont créé les mêmes outils

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Cet abri sous roche faisait partie des fouilles du site de Manayzah au Yémen. Crédits : Joy McCorriston

Des chercheurs ont mis au jour des outils vieux de 8 000 ans dans la péninsule arabique similaires à ceux fabriqués par les Amérindiens il y a 13 000 ans. Autrement dit, deux cultures très éloignées dans l’espace et le temps ont créé la même technologie.

Les pointes de type Clovis sont des projectiles qui se caractérisent par des cannelures. Elles sont, comme leur nom l’indique, associées à la Culture Clovis d’Amérique du Nord. Vieille de 13 500 ans, elle doit son nom à la ville de Clovis (Nouveau-Mexique) où les premiers exemplaires furent retrouvés à la fin des années 20.

Convergence culturelle

Ceci étant dit, une équipe d’archéologues annonce dans la revue PLOS One avoir identifié plusieurs de ces outils cannelés sur les sites archéologiques de Manayzah (Yémen) et d’Ad-Dahariz (Oman), dans la péninsule arabique. Tous ont été datés à environ 8000 à 7000 ans. C’est la première fois que ce type d’outils est découvert en dehors du continent nord-américain.

La trouvaille est d’autant plus intéressante que ces deux anciennes cultures ont été largement séparées dans l’espace (deux continents différents) et dans le temps (plusieurs millénaires les séparent).

« Compte tenu de leur âge et du fait que ces pointes cannelées d’Amérique et d’Arabie sont séparées par des milliers de kilomètres, il n’y a pas de lien culturel possible entre eux« , assure en effet Michael Petraglia, anthropologue de l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine. « C’est donc un exemple clair de convergence culturelle« .

Cette expression fait ici référence à celle utilisée en biologie évolutive. Elle permet d’illustrer la manière dont des organismes non étroitement liés peuvent développer indépendamment des traits similaires dans le but de s’adapter aux mêmes environnements.

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Exemples de pointes cannelées retrouvées dans la péninsule arabique du néolithique. Crédits : Rémy Crassard / CNRS

La même taille, mais pas le même objectif pour ces outils

Si la taille de ces outils apparaît similaire, les auteurs de l’étude soulignent en revanche que leurs objectifs pourraient être différents.

D’après les anthropologues, les pointes cannelées amérindiennes auraient en effet été conçues pour les emmancher plus facilement sur des javelots en bois, des hampes ou des flèches courtes, de manière à rendre ces outils plus efficaces et résistants. Il y avait donc une intention pratique.

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Les pointes Clovis du site de Rummells-Maske (Iowa). Crédits : Billwhittaker via Wikipédia

D’un autre côté, les pointes arabes semblent avoir été façonnées à des fins esthétiques et sociales d’après les chercheurs.

« C’était comme pour les plumes d’un paon : tout est dans l’apparence« , avance Joy McCorriston, coauteure de l’étude. « Ils ont utilisé la cannelure pour montrer à quel point ils étaient habiles à utiliser cette technologie très difficile, avec son risque accru d’échec« . La cannelure implique en effet de tailler des flocons en pierre de manière à créer un canal distinctif. Selon la chercheuse, c’est un travail difficile qui nécessite beaucoup de pratique pour se perfectionner.

« Bien sûr, nous ne pouvons pas le dire avec certitude. Mais nous pensons que c’était un moyen pour les outilleurs qualifiés de signaler quelque chose aux autres« , dit-elle. « Cela montrait que l’on était bon dans ce que l’on faisait. De cette manière, les outilleurs auraient pu améliorer leur position sociale dans leur communauté« .