Des « particules fantômes » détectées au LHC, une première

Capture vidéo tirée de la chaîne YouTube NASA Goddard

Une équipe internationale de physiciens vient de réaliser la toute première détection de candidats neutrinos produits par le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN. Dans un article publié dans la revue Physical Review D, les chercheurs décrivent comment ils ont observé six interactions dans le cadre d’un essai pilote mené en 2018.

Les « particules fantômes »

Les neutrinos sont des particules élémentaires 100 000 fois plus petites qu’un électron, dont la masse est virtuellement nulle. Produits dans les étoiles, les supernovae ou encore les quasars, ils n’interagissent que très rarement avec la matière, ce qui les rend difficiles à détecter. Pour cette raison, les neutrinos sont souvent décrits comme des « particules fantômes ». Ils sont pourtant abondants. Gardez en effet à l’esprit que des milliards d’entre eux traversent votre corps à chaque seconde.

Au cours de ces dernières années, les scientifiques ont mis au point plusieurs installations capables d’enregistrer les traces de leur passage. Ces structures, des détecteurs de lumière ultra-sensibles appelés photomultiplicateurs, sont le plus souvent immergées dans de l’eau pure. L’idée consiste ensuite à détecter les faibles éclairs (lumière Cherenkov) émis lorsqu’un neutrino entre en collision avec un atome contenu dans l’eau.

Piloté par les Américains et enfoui dans la glace antarctique près de la station du pôle Sud, IceCube est à ce jour le plus grand détecteur de neutrinos au monde. Il en existe également au Japon ou encore au fond du Lac Baïkal, en Russie.

On a longtemps pensé que les accélérateurs de particules, comme le Grand collisionneur de hadrons (LHC), dans la région frontalière entre la France et la Suisse, pourraient en produire pour ensuite les détecter, mais encore fallait-il avoir les bons instruments. C’est désormais chose faite.

Une première au LHC

Au cours d’un essai pilote d’une expérience appelée FASER, installée en 2018, des scientifiques ont détecté six interactions de neutrinos.

« Avant ce projet, aucun signe de neutrinos n’avait jamais été observé dans un collisionneur de particules« , confirme Jonathan Feng, coauteur d’une étude décrivant les résultats. « Cette percée significative est une étape vers le développement d’une compréhension plus profonde de ces particules insaisissables et du rôle qu’elles jouent dans l’univers« .

Situé à 480 mètres en aval de l’endroit où se produisent les collisions de particules, l’instrument FASER se compose de plaques de plomb et de tungstène séparées par des couches d’émulsion. Certains des neutrinos vont alors frapper les noyaux des atomes dans ces métaux, libérant au passage d’autres particules qui traverseront ces couches et laisseront des traces visibles. Six de ces marques ont donc été récemment repérées.

LHC Grand collisionneur hadrons
Une section du Grand collisionneur de hadrons. Crédits : Wikimedia Commons / Maximilien Brice (CERN)

Un nouvel instrument plus grand et plus sensible

Forte de ce succès, l’équipe FASER, composée de 76 physiciens de 21 institutions dans neuf pays, prépare une nouvelle série d’expériences avec un instrument beaucoup plus grand et beaucoup plus sensible nommé FASERnu. Ce dernier pèsera plus de 1 090 kg contre seulement 29 kg pour l’instrument pilote. Sa sensibilité accrue lui permettra de détecter plus de neutrinos, et plus souvent.

« Compte tenu de la puissance de notre nouveau détecteur et de son emplacement privilégié au CERN, nous espérons pouvoir enregistrer plus de 10 000 interactions de neutrinos dans le prochain cycle du LHC, à partir de 2022« , souligne David Casper, coauteur de l’étude. « Nous détecterons les neutrinos les plus énergétiques qui aient jamais été produits à partir d’une source artificielle« .

À terme, le fait d’appréhender ces « particules fantômes » pourrait apporter des réponses à certaines grandes énigmes de la physique, comme la question de savoir pourquoi l’Univers est fait uniquement de matière et non d’antimatière.