Le détecteur de matière noire le plus sensible au monde livre ses premiers résultats

Crédits : Enrico Sacchetti, XENON

XENON1T, le détecteur de particules de matière noire le plus sensible au monde, a récemment livré ses premiers résultats après une trentaine de jours d’observation. Alors, que nous apprend-il ?

En se fondant sur l’homogénéité de l’Univers, les physiciens constatent que la façon dont les galaxies tournent sur elles-mêmes impliquerait la présence de « matière noire », la gravité n’étant pas assez « forte ». Il y aurait donc quelque chose, une substance insaisissable qui influerait sur le cosmos. Ces hypothétiques particules de matière noire représenteraient environ 27 % de l’Univers connu et constituent à ce jour l’une des grandes énigmes de l’astrophysique. Pour vous donner une idée, selon certaines estimations, environ 100 000 particules de matière noire passeraient chaque seconde à travers une surface équivalente à l’ongle du pouce. Alors, à défaut de pouvoir l’observer directement, la matière noire (ou sombre) n’étant pas observable dans le spectre électromagnétique, les chercheurs tentent de traquer des signaux indirects de sa présence.

C’est notamment le rôle de XENON1T, le détecteur de particules de matière noire le plus performant au monde, le but étant d’observer directement les interactions des particules élémentaires de matière noire avec la matière ordinaire dans ses détecteurs extrêmement sensibles. Cette première campagne d’observations a notamment confirmé le « bruit de fond de ce détecteur est exceptionnellement faible, de plusieurs ordres de grandeur au-dessous de celui qui serait associé à la radioactivité naturelle des matériaux de l’environnement terrestre », peut-on lire sur Techno-Sciences. Laura Baudis, professeure à l’Université de Zürich, et Manfred Lindner, professeur de l’Institut Max-Planck pour la Physique nucléaire à Heidelberg, soulignent en effet un « silence » record, incontournable pour pouvoir capter le « son » si faible de la matière noire.

Menée sur 30 jours, cette première campagne avait pour objectif d’analyser les flux de Wimps (pour Weakly Interacting Massive Particles), une classe hypothétique de particules de matière supposées prometteuses lorsque les scientifiques cherchent à percer l’énigme de la matière noire. Pour ce faire, les chercheurs étudient de minuscules flashs lumineux constitués de photons émis lors de chocs entre particules dans l’espoir d’en trouver qui puissent être significativement associés à une particule WIMP à ce jour encore inconnue. Les résultats sont pour le moment encore infructueux, mais certains se consoleront en soulignant la brièveté de ce premier test.

« Les WIMP n’ont pas été révélés dans cette première recherche avec XENON1T, mais nous ne les attendions pas si tôt », explique Elena Aprile, professeur à l’Université de Columbia et porte-parole de la collaboration. « La meilleure nouvelle est que l’expérience continue d’accumuler d’excellentes données qui nous permettront de tester bientôt l’hypothèse de WIMP dans une région de masse et de section efficace d’interaction avec des atomes comme cela n’a jamais pu être exploré auparavant. Une nouvelle ère pour détecter enfin la présence de matière noire avec des détecteurs massifs contenant un bruit de fond ultra-bas vient de débuter sur Terre avec XENON1T. Nous sommes si fiers d’ouvrir cette exploration avec ce détecteur incroyable, le premier de son genre ».

Ainsi la traque se poursuit. Il y a quelques jours, deux équipes indépendantes affirment avoir détecté des indices de la présence insaisissable de matière noire dans les données collectées par la Station Spatiale Internationale (ISS), relevant notamment une quantité « anormale » d’antiprotons détectée par le spectromètre magnétique Alpha (AMS) installé sur la Station. Mais alors que certains physiciens pensent que cela pourrait être la preuve de l’existence de la matière noire, d’autres pensent en revanche que cet excès d’antiprotons peut s’expliquer par d’autres phénomènes astronomiques tels que les pulsars.

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