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Ce tardigrade arbore un nouveau « tatouage », représenté sur cette image agrandie par les points surlignés. Crédit : Nano Letters (2025)

Des scientifiques ont trouvé un moyen de « tatouer » les tardigrades… Et voici pourquoi c’est important !

Imaginez un monde où l’on pourrait imprimer des capteurs microscopiques directement sur les tissus vivants. Où des créatures vivantes porteraient des dispositifs électroniques sans jamais en souffrir. Ce monde-là pourrait bien commencer avec… de minuscules animaux quasi indestructibles : les tardigrades.

L’ours d’eau, champion de la survie

Les tardigrades, aussi appelés oursons d’eau, mesurent à peine un demi-millimètre. Ils ressemblent à des petits sacs à pattes, un brin maladroits. Mais ne vous fiez pas à leur apparence : ces créatures sont de véritables survivants de l’extrême. Ils peuvent résister à :

  • Des températures proches du zéro absolu

  • Une chaleur écrasante

  • Une pression écrasant celle des fosses océaniques

  • Une déshydratation totale

  • Des doses de radiations mortelles

  • Et même… le vide de l’espace

C’est justement cette résilience hors norme qui en a fait des cobayes idéaux pour une expérience unique mêlant biologie et technologie de pointe.

Une technique de gravure sur glace… adaptée au vivant

Dans une étude publiée dans la revue Nano Letters, une équipe de chercheurs a réussi à « tatouer » des tardigrades à l’aide d’un procédé appelé lithographie sur glace.

Cette technique, déjà bien connue en microélectronique, consiste à graver des motifs à l’aide d’un faisceau d’électrons dans une fine couche de glace. Habituellement utilisée pour créer des microcircuits, elle n’avait encore jamais été testée sur des êtres vivants.

Mais les tardigrades ne sont pas des êtres vivants comme les autres. Grâce à leur capacité à entrer en cryptobiose — un état de vie suspendue — ils peuvent supporter des conditions extrêmes, comme un refroidissement à -143 °C. C’est à cette température que les chercheurs leur ont appliqué une couche d’anisole, un composé organique servant de protection contre le faisceau d’électrons.

Sous ce faisceau, l’anisole réagit, formant un nouveau composé biocompatible qui s’attache à la surface du tardigrade. Une fois le processus terminé, les tardigrades sont réchauffés, réhydratés… et se réveillent, tatoués à l’échelle nanométrique.

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Crédit : iStock

Crédits : dottedhippo/istock

Des tatouages invisibles à l’œil nu… mais riches en potentiel

Les motifs gravés sont extrêmement précis : carrés, points, lignes, et même le logo de l’université impliquée dans l’étude, avec des détails allant jusqu’à 72 nanomètres de large.

Environ 40 % des tardigrades ont survécu à l’expérience — un chiffre déjà impressionnant, que les chercheurs espèrent améliorer. Mieux encore : ceux qui ont survécu ne montraient aucun comportement anormal, comme si les micro-tatouages ne les gênaient pas du tout.

Des cyborgs microscopiques à portée de main ?

Pourquoi tatouer un tardigrade ? Parce que cette démonstration ouvre la voie à des applications biomédicales radicalement nouvelles. Si l’on peut tatouer un tardigrade, pourquoi pas des bactéries ? Des cellules humaines ? Des tissus vivants ?

Demain, on pourrait imaginer :

  • Des capteurs médicaux imprimés directement sur la peau ou les organes

  • Des implants intelligents capables de surveiller en continu l’état de santé

  • Des organismes hybrides, mi-biologiques, mi-électroniques — les fameux cyborgs microbiens

Le champ des possibles est vertigineux.

Science-fiction ou science en marche ?

Pour Gavin King, l’un des pionniers de la lithographie sur glace (mais non impliqué dans l’étude), cette avancée est une révolution silencieuse :

« Il est difficile de modéliser la matière vivante. Cette technique pourrait enfin nous permettre de créer des dispositifs qui, jusqu’ici, n’existaient que dans la science-fiction. »

Le futur de la médecine — et peut-être de la technologie elle-même — passera-t-il par des ours d’eau tatoués ? Une chose est sûre : la frontière entre vivant et artificiel devient plus fine que jamais.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.