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Crédits : gorodenkoff/istock

Des scientifiques ont brûlé, piqué et découpé une nouvelle peau robotique capable de « tout ressentir »

Et si les robots pouvaient vraiment sentir ? Pas simplement mesurer une pression ou une température, mais réagir à un contact comme nous réagissons à une caresse, une brûlure ou une piqûre. C’est exactement ce que promet une équipe de scientifiques grâce à une peau électronique d’un nouveau genre, capable d’imiter certaines propriétés sensorielles de l’épiderme humain.

Dévoilée en juin dans la revue Science Robotics, cette innovation pourrait bien transformer notre manière de concevoir les machines. En robotique comme en prothétique, le sens du toucher reste en effet la dernière frontière avant une interaction homme-machine véritablement intuitive et sensible.

Une matière douce, vivante et connectée

Au cœur de cette percée se trouve un matériau étonnant : un hydrogel à base de gélatine. Conducteur d’électricité, souple, modelable, il peut être moulé dans des formes complexes, comme celle d’une main humaine. Ce n’est pas un simple gadget de laboratoire : cette « peau synthétique » intègre un réseau dense de voies conductrices, plus de 860 000 au total, capables de transmettre des signaux électriques en réponse à divers stimuli physiques.

Contrairement aux peaux électroniques traditionnelles, qui utilisent différents capteurs pour différentes sensations (pression, chaleur, douleur…), ce matériau repose sur un capteur unique multimodal. Il peut donc détecter simultanément une variété de signaux — température, pression, intrusion mécanique — tout en évitant les problèmes d’interférences entre capteurs. Cette approche allège considérablement la complexité du système, tout en augmentant sa fiabilité.

Une machine qui ressent les coups

Pour éprouver leur création, les chercheurs n’ont pas ménagé leur main artificielle. Ils l’ont piquée, brûlée, pressée, coupée, testée au scalpel, soumise à des impulsions thermiques et manipulée par des bras robotiques. À chaque interaction, la peau a répondu en produisant un flot d’informations, pour un total de plus de 1,7 million de données recueillies lors des essais.

Ces données ont ensuite été utilisées pour entraîner une intelligence artificielle, capable de reconnaître les différents types de contact. Ce système d’apprentissage automatique permet à un robot équipé de cette peau de comprendre non seulement qu’il a été touché, mais aussi de différencier une pression douce d’un choc violent, ou une piqûre d’un étirement.

L’objectif à terme : permettre aux machines de développer une réaction appropriée au contexte, et non une simple réponse mécanique.

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Des scientifiques ont développé une « peau » robotique peu coûteuse, durable et hautement sensible, qui peut être appliquée aux mains robotiques comme un gant, permettant aux robots de détecter des informations sur leur environnement d’une manière similaire à celle des humains. Crédit image : Université de Cambridge

Vers des robots au toucher humain

Thomas George Thuruthel, professeur de robotique à l’University College London et co-auteur de l’étude, le résume ainsi : « Nous n’en sommes pas encore au stade où la peau robotique est aussi bonne que celle de l’humain, mais nous pensons qu’elle surpasse tout ce qui a été développé jusqu’ici. »

Et surtout, elle est plus simple à produire, plus résistante, et moins chère. Contrairement aux matériaux classiques en silicone ou en élastomère, souvent fragiles et sensibles aux déformations, cette peau gélatineuse encaisse les agressions physiques sans perdre ses capacités de détection. Sa conception modulaire la rend aussi facilement adaptable à des surfaces de toutes tailles, de la prothèse de doigt au torse complet d’un robot humanoïde.

Applications humaines, et au-delà

L’impact potentiel de cette avancée va bien au-delà de la robotique industrielle. Dans le domaine médical, par exemple, des prothèses dotées de cette peau pourraient offrir aux patients amputés un retour sensoriel inédit. Pour un robot de secours, intervenant dans un environnement dangereux, la capacité à ressentir la chaleur ou les chocs pourrait éviter des accidents ou améliorer la prise de décision en temps réel.

Le secteur automobile, les dispositifs médicaux intelligents ou les systèmes de téléchirurgie pourraient également bénéficier d’une telle technologie, qui allie finesse sensorielle et résilience.

Une nouvelle interface entre homme et machine

L’ambition de cette peau électronique est de réduire la distance entre le monde biologique et le monde artificiel. Si la vue et l’ouïe ont déjà été relativement bien simulées chez les machines, le toucher reste un langage sensoriel complexe, lié à l’émotion, à la mémoire, à la douleur, au plaisir. C’est aussi un outil essentiel pour interagir avec un environnement inconnu ou incertain.

Cette technologie pourrait ainsi marquer une nouvelle étape dans la coévolution entre l’homme et ses machines, en leur offrant un sens du monde plus riche, plus nuancé, plus humain.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.