Des relevés de terrain montrent que même en plein hiver, de l’eau de fonte s’échappe du Groenland

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Crédits : Wikimedia Commons.

De récentes mesures opérées au sud-ouest du Groenland montrent qu’une fraction de l’eau de fonte formée en été continue à ruisseler sous la calotte en hiver. Selon ces résultats et contrairement à ce qui était admis jusqu’à présent, l’inlandsis continue donc à drainer de l’eau de fonte même en plein cœur de la saison froide. Des résultats publiés ce 9 avril dans la revue Geophysical Research Letters.

Depuis le début des observations par gravimétrie satellitaire, la calotte groenlandaise a perdu environ 4500 milliards de tonnes de glace. Une perte de masse qui tend à s’accélérer et dont la cause première est l’augmentation de la fonte à la surface de l’inlandsis. Cette dernière se concentre essentiellement entre avril et septembre, en phase avec le cycle saisonnier.

Groenland
Perte de masse cumulée de la calotte groenlandaise entre avril 2002 et février 2020. Crédits : NASA.

L’eau de fonte qui atteint l’océan – donc qui ne regèle pas – peut le faire de deux manières. Soit de façon directe par écoulement surfacique vers les franges littorales. Soit de façon indirecte en empruntant un réseau hydrologique souterrain. Ceci, après s’être frayée un chemin vers l’abîme par des failles, des moulins ou d’autres sortes de voies de passage.

Groenland : un ruissellement sous-estimé en saison froide

Toutefois, l’arrivée de la nuit polaire et du temps glacial qui l’accompagne n’implique pas pour autant une dynamique de drainage qui se fige. En effet, selon de nouveaux travaux, il s’avère qu’une partie de l’eau de fonte formée en été est retenue en hiver sous la calotte. Plus précisément, au niveau de cavités, canaux ou même de sédiments formant le substrat. Or, ces réservoirs sont capables de maintenir un faible écoulement sous-glaciaire à destination de l’océan.

La présente étude a été menée suite aux soupçons faisant état d’une capacité des glaciers groenlandais à stocker l’eau de fonte. Aussi, une équipe de chercheurs s’est rendue sur la marge sud-ouest de l’inlandsis afin d’y faire une série de relevés. L’opération s’est déroulée en février 2015.

Groenland satellite
Le Groenland vu par satellite le 2 août 2019. Notez l’assombrissement sur la frange ouest, caractéristique d’une fonte marquée. Crédits : EOSDIS Worldview.

Les scientifiques ont ainsi pu constater qu’un ruissellement était parfois présent en profondeur malgré les températures glaciales de l’hiver arctique. Une réalité mise à jour grâce à des mesures radars et à une série de carottages. En outre, les propriétés géochimiques de l’eau prélevée ont révélé qu’elle provenait bien du dessous de la calotte. Ceci après une infiltration depuis la surface jusqu’au substratum et à une accumulation temporaire dans des niches de rétention. À ce titre, on parle de rétention saisonnière – ou inter-annuelle, selon l’inertie du processus.

Des implications pour la hausse du niveau des mers

« Cette observation soulève des questions pour la communauté des chercheurs et motive le besoin de futurs travaux sur l’hydrologie hivernale au Groenland » indique Lincoln Pitcher, auteur principal de l’étude. En effet, jusqu’alors, il était assumé que les processus hydrologiques sous-glaciaires s’endormaient en saison froide. Ce qui n’est de toute évidence pas le cas au vu des résultats présentés dans le papier. De fait, le lit sur lequel repose la calotte groenlandaise apparaît plus humide et le drainage hivernal plus actif que ce que l’on pensait.

Par ailleurs, si l’eau de fonte s’évacue plus facilement vers l’océan, cela se répercute sur les projections d’élévation du niveau des mers. Lesquelles seraient possiblement à revoir à la hausse. « Des études supplémentaires sont nécessaires pour documenter si les épisodes de fonte de surface hivernaux [de plus en plus fréquents] sont suffisants pour activer ces processus hydrologiques sous-glaciaires » ajoute le papier dans sa conclusion. Affaire à suivre !

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