Pour la première fois, des chercheurs ont détecté des preuves que les mammouths laineux connaissaient également le musth, une poussée d’agressivité hormonale qui aurait stimulé les mâles rivaux pendant la saison des amours. Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue .
Qu’est-ce que le musth ?
Le musth est un état physiologique temporaire observé chez les éléphants mâles adultes. Il se caractérise par une augmentation des niveaux d’hormones reproductives et de la testostérone, ainsi qu’un comportement agressif et souvent violent. Les signes du musth comprennent une sécrétion de liquide à partir des glandes temporelles placées sur les côtés de la tête, une posture plus droite et une marche plus lente. Les éléphants mâles en musth peuvent également se frotter contre les arbres pour évacuer leur énergie et leur frustration.
Ce comportement normal et naturel se produit généralement une fois par an pendant quelques semaines. Cependant, il peut y avoir des variations selon l’environnement. Par exemple, si les ressources sont abondantes toute l’année, les mâles peuvent passer par le musth à tout moment et la reproduction dans ces populations d’éléphants peut se produire tout au long de l’année.
Cela étant dit, jusqu’à présent, personne ne savait avec certitude si ces signatures hormonales pouvaient être détectées dans les défenses d’éléphants modernes. Nous savons désormais que c’est possible grâce à une équipe dirigée par Michael Cherney de l’Université du Michigan. En utilisant une technologie de pointe, les chercheurs ont en effet identifié la présence de testostérone dans plusieurs défenses de mâles adultes. Sur la base de ces résultats, ils se sont ensuite intéressés aux mammouths.

Les mammouths étaient tout aussi excités
Les éléphants et les mammouths laineux sont apparentés de loin et appartiennent tous deux à un groupe d’animaux appelés proboscidiens. Par ailleurs, les défenses de mammouths laineux des régions arctiques sont généralement mieux conservées que les restes d’autres animaux du Pléistocène tels que les mastodontes, un autre animal ressemblant aux éléphants.
D’après l’étude, l’équipe aurait identifié des pointes similaires de testostérone compatibles avec celles qui se produisent pendant le musth chez les éléphants modernes. Ces pointes étaient par ailleurs absentes dans les années subadultes de ces animaux, preuve qui soutient l’absence de musth dans les années précédant la maturité sexuelle. Elles étaient également complètement absentes chez les femelles.
Notez que les niveaux globaux de testostérone étaient globalement inférieurs à ceux observés chez les éléphants modernes. Cependant, les chercheurs postulent que ces différences pourraient être simplement dues aux limites de conservation, l’un des spécimens analysés étant vieux de plus de 33 000 ans.
Pour Michael Cherney, principal auteur de ces travaux, le fait que les mammouths laineux aient souffert de musth n’est pas vraiment une surprise en soi. Ce qui est surprenant, en revanche, c’est que nous puissions le voir, même après tant d’années.
Enfin, si nous savons que les éléphants mâles vivent le musth différemment selon leur environnement, les chercheurs pensent que les mammouths laineux, du moins en Sibérie, ne le vivaient probablement qu’une fois dans l’année dans la mesure où leur environnement était très saisonnier. Aux latitudes arctiques, les plantes ne poussent en effet que quelques mois par an.

D’autres applications intéressantes
Les techniques d’analyse utilisées ici pourraient également mener à d’autres découvertes. L’analyse des niveaux d’hormones chez les femelles pourrait par exemple nous permettre d’en apprendre davantage sur les cycles de reproduction ou encore sur les schémas de naissance et de sénescence reproductive. Toutes ces informations pourraient aussi nous éclairer sur l’extinction de ces animaux.
Enfin, une autre question se pose : si les mammouths laineux mâles de l’Arctique ont vécu le musth de la même manière que les éléphants d’aujourd’hui, ne devrions-nous pas voir plus de preuves d’agression chez ces animaux ? En effet, si des blessures de combat sont souvent observées chez les mastodontes mâles en Amérique du Nord, ces mêmes blessures ne sont pas aussi souvent visibles dans les fossiles de mammouth laineux.
Pour les chercheurs, il est possible que ce constat ne soit le résultat que de différences anatomiques. En effet, nous savons que les défenses de mastodontes étaient orientées de telle sorte que les coups étaient potentiellement mortels dès lors qu’ils étaient dirigés vers la gorge. En revanche, les défenses des mammouths avaient une orientation différente et une courbure plus serrée, ce qui aurait rendu ce genre de perforation plus difficile à réaliser.
Il est également possible que les mammouths mâles se soient appuyés davantage sur des postures et autres signaux agressifs que sur des affrontements physiques potentiellement mortels.