Kostensuchus atrox crocodile dinosaures
Crédits : Gabriel Diaz Yanten

Des paléontologues déterrent l’hypercarnivore qui chassait les dinosaures il y a 70 millions d’années

Dans les plaines inondables de Patagonie, bien avant l’apparition de l’humanité, un prédateur redoutable régnait en maître sur son territoire. Plus lourd qu’un ours grizzly et doté d’une mâchoire capable de broyer les os, Kostensuchus atrox ne ressemblait à rien de ce qui existe aujourd’hui. Sa découverte récente bouleverse notre vision des écosystèmes préhistoriques et révèle qu’au temps des dinosaures, la compétition pour le sommet de la chaîne alimentaire était plus féroce qu’on ne l’imaginait.

Un fossile exceptionnel émerge du désert argentin

Le squelette fossilisé, découvert à 32 kilomètres au sud-ouest de la ville argentine d’El Calafate dans la Formation Chorrillo, représente une trouvaille paléontologique majeure. Ce fossile de prédateur apex vieux de 70 millions d’années avec un crâne et un squelette bien préservés marque le premier spécimen presque complet de son espèce jamais décrit dans la région.

La créature a été baptisée Kostensuchus atrox, un nom qui rend hommage au vent patagonien « Kosten » et au dieu égyptien à tête de crocodile Sobek. Cette nomenclature n’est pas anodine : elle reflète parfaitement la nature de cette bête préhistorique qui combinait la puissance du vent des steppes avec la férocité légendaire des divinités crocodiliennes.

Un hypercarnivore aux dimensions impressionnantes

Kostensuchus atrox mesurait 3,5 mètres de long et pesait 250 kilogrammes, des proportions qui en faisaient l’un des prédateurs les plus redoutables de son époque. Son statut d’hypercarnivore signifie que plus de 70% de son alimentation consistait en chair fraîche, une spécialisation alimentaire qui témoigne de son efficacité de chasseur.

Le nouveau fossile possédait des dents comparables à celles d’un T. rex, selon les experts. Son large museau et ses membres antérieurs robustes suggèrent une anatomie parfaitement adaptée pour terrasser des proies de grande taille. Cette morphologie lui permettait de rivaliser directement avec les théropodes, ces dinosaures carnivores qui dominaient habituellement les écosystèmes terrestres.

Kostensuchus atrox crocodile dinosaures
Crédits : Museo Padre Molina de Río Gallegos

Le règne oublié des crocodiliens terrestres

La découverte de K. atrox révèle un pan méconnu de l’histoire préhistorique. Kostensuchus atrox était le deuxième plus grand prédateur connu par les scientifiques de la Formation Chorrillo, et était probablement l’un des principaux prédateurs de la région.

Durant le Crétacé, l’Amérique du Sud et l’Afrique constituaient littéralement le « pays des crocodiles ». Ces continents abritaient une diversité remarquable de crocodyliformes terrestres, certains carnivores, d’autres herbivores, de toutes tailles. Ces reptiles ne se contentaient pas de coexister avec les dinosaures : ils les concurrençaient activement et les chassaient.

K. atrox appartenait au groupe des peirosauridés, des parents éteints des crocodiles modernes qui avaient abandonné les milieux aquatiques pour conquérir la terre ferme. C’est le premier fossile de crocodyliforme découvert dans la Formation Chorillo vieille d’environ 70 millions d’années et l’un des spécimens les plus complets du groupe éteint des crocodyliformes peirosauridés.

Kostensuchus atrox crocodile dinosaures
Crédits : Museo Padre Molina de Río Gallegos

Un écosystème d’une complexité insoupçonnée

Cette découverte met en lumière la richesse extraordinaire des écosystèmes du Crétacé tardif. Dans la même formation rocheuse, les paléontologues ont également mis au jour Maip macrothorax, un mégaraptor de 9 à 10 mètres de long. Ces deux prédateurs apex partageaient le même territoire, créant un équilibre écologique complexe où la compétition pour les ressources alimentaires devait être acharnée.

Le site fossilifère date de l’âge Maastrichtien, juste avant l’extinction de masse qui a mis fin à l’ère des dinosaures. Cette période représentait l’apogée de la diversification des écosystèmes terrestres, un moment où les interactions prédateur-proie atteignaient une sophistication jamais égalée.

Une fenêtre sur un monde disparu

L’état de conservation exceptionnel du fossile de Kostensuchus atrox offre aux scientifiques une opportunité unique de reconstituer la vie quotidienne de ce super-prédateur. Chaque détail anatomique raconte une histoire : celle d’un chasseur parfaitement adapté à son environnement, capable de s’imposer face aux dinosaures les plus redoutables de son époque.

Cette découverte, publiée dans la revue PLOS One, redéfinit notre compréhension des dynamiques écologiques préhistoriques et prouve que les dinosaures n’étaient pas les seuls maîtres de leur monde.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.