Des chercheurs annoncent avoir identifié deux nouveaux prédateurs microscopiques représentant une nouvelle branche de l’arbre de vie nommée « Provora ». En tant que prédateurs voraces numériquement rares, mais essentiels dans leur écosystème, ces petits organismes sont aujourd’hui considérés comme les « lions » de leur environnement.
La phylogénétique moléculaire des eucaryotes microbiens a remodelé l’arbre de la vie en établissant de larges divisions taxonomiques. Ces « supergroupes » ont depuis remplacé les règnes traditionnels des animaux, des champignons et des plantes. De nos jours, la grande majorité des espèces nouvellement découvertes appartiennent à un petit nombre de supergroupes connus. En revanche, certaines se distinguent très clairement, ce qui soulève des questions sur la nature et le degré de la diversité non découverte.
Dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans Nature, des chercheurs annoncent avoir isolé une dizaine de souches précédemment non décrites de prédateurs microbiens. Tous ont été identifiés dans des échantillons d’eau douce et salée prélevés dans divers habitats marins du monde entier, notamment dans des récifs coralliens de Curaçao, dans des sédiments des mers Noire et Rouge, et dans de l’eau des océans Pacifique et Arctique du nord-est.
Ils formeraient collectivement un nouveau « supergroupe » diversifié d’eucaryotes appelé Provora qui serait génétiquement, morphologiquement et comportementalement distinct des autres eucaryotes.
Ce nouveau supergroupe comprend deux clades divergents de prédateurs : Nebulidia et Nibbleridia. D’apparence à peu près similaire, ils diffèrent essentiellement par leur comportement et leur contenu génétique. Pour simplifier, les premiers consomment leurs proies entières, tandis que les seconds les grignotent en petits morceaux.
Lions microbiens
Dans les échantillons où ces microbes étaient présents, quasiment tous les autres disparaissaient après un à deux jours en étant consommés par les premiers. Très vite, les chercheurs ont compris qu’ils avaient affaire à de grands prédateurs du monde microbien.
Comme les lions et autres grands prédateurs terrestres, ces « nouveaux » microbes sont numériquement rares, mais importants pour l’écosystème. « Imaginez si vous étiez un extraterrestre et échantillonniez le Serengeti : vous auriez beaucoup de plantes et peut-être une gazelle, mais pas de lions« , détaille le Dr Patrick Keeling, principal auteur de l’étude. « Mais les lions comptent, même s’ils sont rares. Ici c’est un peu pareil. Ces microbes sont les « lions » du monde microbien« .
Cette nouvelle branche de l’arbre de vie nous aide à comprendre les fondements du monde vivant et le fonctionnement de l’évolution.
« Ignorer les écosystèmes microbiens, comme nous le faisons souvent, c’est comme avoir une maison qui a besoin de réparations et simplement redécorer la cuisine, mais ignorer le toit ou les fondations« , note le Dr Keeling. « Il s’agit d’une ancienne branche de l’arbre de vie qui est à peu près aussi diversifiée que les règnes animal et fongique combinés, et personne ne savait qu’elle était là. »
Les chercheurs prévoient maintenant de séquencer les génomes entiers de ces organismes dans le but d’en savoir plus sur leur organisation moléculaire, leur structure et leurs habitudes alimentaires.