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Crédits : ClickerHappy/pixabay

Des lentilles de contact à vision nocturne promettent une “super-vision” humaine — et ce n’est que le début !

Voir dans le noir à l’œil nu pourrait bientôt devenir une réalité. Des scientifiques ont mis au point des lentilles de contact révolutionnaires capables de transformer notre perception visuelle… littéralement. Grâce à une technologie à base de nanoparticules, ces lentilles permettent de voir dans l’infrarouge, une partie du spectre lumineux jusqu’ici inaccessible à l’œil humain. Et tout cela sans la moindre batterie ni source d’énergie externe.

Une innovation optique venue tout droit du futur

Développées par une équipe de chercheurs chinois et récemment publiées dans la revue Cell Press, ces lentilles de contact utilisent un matériau novateur pour capturer la lumière infrarouge — celle émise par la chaleur — et la convertir en lumière visible. Le secret ? Un cocktail sophistiqué de nanoparticules luminescentes intégrées dans des polymères souples et non toxiques, déjà utilisés pour les lentilles traditionnelles.

Plus précisément, ces particules sont composées de fluorure de sodium et de gadolinium, enrichis en ytterbium, erbium et or, ce qui leur permet d’absorber des photons dans la gamme de 800 à 1600 nanomètres (infrarouge proche), pour ensuite émettre une lumière visible dans la plage de 380 à 750 nanomètres. Traduction : ce que vous ne pouviez pas voir avant devient soudainement visible.

Testées avec succès sur les souris… puis sur l’humain

Dans un premier temps, les lentilles ont été testées sur des souris. Résultat : les animaux équipés des lentilles préféraient les zones sombres aux zones baignées d’infrarouge — une préférence logique pour une espèce nocturne, mais qui prouvait surtout qu’ils percevaient bel et bien la lumière infrarouge. Mieux encore, leurs pupilles se contractaient en présence de cette lumière, et des analyses cérébrales ont confirmé une activité dans les zones visuelles du cerveau.

Chez l’humain, les premiers tests sont tout aussi bluffants. Les participants étaient capables de voir le clignotement d’une source infrarouge, et même d’en déterminer la direction. Plus étonnant encore : la vision infrarouge était améliorée les yeux fermés, car la lumière infrarouge pénètre mieux les paupières que la lumière visible, réduisant ainsi les interférences lumineuses habituelles. De quoi envisager des applications inédites, y compris dans des environnements où garder les yeux ouverts peut s’avérer risqué ou douloureux.

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Un participant à l’étude place une lentille de vision nocturne dans son œil. Crédits image : Yuqian Ma, Yunuo Chen, Hang Zhao

Une technologie portable, sans batterie ni câblage

Contrairement aux lunettes de vision nocturne classiques, lourdes et alimentées par batterie, ces lentilles n’ont besoin d’aucune alimentation externe. Les systèmes traditionnels utilisent des tubes intensificateurs d’image qui transforment la lumière en électrons, projetés ensuite sur un écran pour créer l’image verte typique. Ce procédé, bien que performant, reste contraignant. Avec ces nouvelles lentilles, la vision nocturne pourrait se faire de façon passive et discrète, directement à travers les yeux.

Sécurité, médecine, cryptage… et même aide aux daltoniens

Les applications de cette découverte sont vastes. Le neuroscientifique Tian Xue, responsable de l’étude, évoque des usages dans la sécurité, le sauvetage, les communications cryptées, voire la lutte contre la contrefaçon. Mais ce n’est pas tout.

En modifiant les nanoparticules pour qu’elles traduisent différentes longueurs d’onde infrarouges en lumière bleue, verte ou rouge, les scientifiques espèrent aussi venir en aide aux personnes daltoniennes. Par exemple, convertir certaines teintes rouges en nuances visibles permettrait de rendre certaines couleurs « invisibles » perceptibles pour des millions de personnes.

Encore quelques défis à relever

Malgré cet enthousiasme, la technologie n’est pas encore prête à débarquer dans les rayons des opticiens. Actuellement, les lentilles ne sont sensibles qu’à des sources LED très puissantes, ce qui limite leur usage à des environnements bien spécifiques. De plus, leur proximité avec la rétine empêche encore une perception fine des détails, ce qui reste un frein pour des usages plus complexes.

Pour pallier ce problème, les chercheurs développent également une version « lunettes intelligentes », capable d’afficher l’image convertie avec une meilleure résolution, ouvrant ainsi la porte à des dispositifs hybrides mêlant confort, puissance et portabilité.


Un pas de plus vers la “vision augmentée”

Ce projet s’inscrit dans une tendance plus large d’augmentation sensorielle de l’humain. Tout comme les implants cochléaires ont rendu l’audition à des personnes sourdes, ou les exosquelettes ont restauré la marche, ces lentilles pourraient étendre la vision humaine au-delà de ses limites biologiques.

À terme, ce genre d’innovation pose une question fascinante : et si la vision humaine telle que nous la connaissons n’était qu’une version bêta ? L’évolution nous a donné une vue fonctionnelle. La science, elle, semble décidée à l’upgrader.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.