Des scientifiques découvrent que la glace ordinaire peut générer de l’électricité lorsqu’elle est pliée. Crédits : UAB

Des glaçons aux orages violents : comment une équipe internationale a percé le secret électrique de la glace

Pendant des décennies, la glace a semblé être l’un des matériaux les plus prévisibles de notre planète. Pourtant, des chercheurs viennent de révéler que chaque glaçon de votre verre possède des propriétés électriques insoupçonnées. Cette découverte remet en question tout ce que nous pensions savoir sur l’eau solide et pourrait expliquer certains des phénomènes les plus spectaculaires de la nature.

Un mystère qui défie la physique classique

Les scientifiques se heurtaient depuis longtemps à une contradiction troublante. D’un côté, la théorie prédisait que la glace ne devrait pas pouvoir générer d’électricité spontanément. Les molécules d’eau, bien qu’individuellement polarisées, s’organisent dans le cristal de glace de manière à s’annuler mutuellement, rendant le matériau électriquement neutre.

De l’autre côté, la nature semblait ignorer ces prédictions. Les orages nous offrent régulièrement le spectacle d’éclairs nés de collisions entre particules de glace chargées électriquement. Comment expliquer cette apparente violation des lois physiques ?

L’expérience qui change tout

Une équipe internationale regroupant l’Institut Catalan de Nanosciences et Nanotechnologies, l’Université Xi’an Jiaotong et l’Université Stony Brook a décidé d’explorer une piste négligée : la flexoélectricité. Contrairement aux mécanismes électriques classiques, cette propriété peut s’exprimer dans des matériaux de toute symétrie cristalline.

L’expérience elle-même était d’une simplicité désarmante. Les chercheurs ont placé une plaque de glace entre deux électrodes métalliques, puis l’ont soumise à différentes déformations. Résultat : à chaque flexion, étirement ou torsion, la glace générait un courant électrique mesurable.

Plus surprenant encore, cette capacité électrogène persistait à toutes les températures testées, depuis le point de fusion jusqu’aux froids les plus extrêmes.

Une double personnalité électrique

La découverte ne s’arrête pas là. En poussant leurs expériences vers des températures extrêmes, inférieures à -113°C, les scientifiques ont observé l’émergence d’une seconde propriété électrique : la ferroélectricité.

À ces températures glaciales, une fine couche superficielle de la glace développe une polarisation électrique naturelle, similaire à celle d’un aimant permanent. Cette polarisation peut même être inversée sous l’effet d’un champ électrique externe, ouvrant des perspectives technologiques inattendues.

Xin Wen, nanophysicien principal de l’étude, résume cette dualité : « La glace possède non seulement une façon de produire de l’électricité, mais deux : la ferroélectricité à très basse température et la flexoélectricité à des températures plus élevées.« 

Des implications qui dépassent le laboratoire

Cette révélation place la glace dans une catégorie de matériaux jusqu’alors réservée aux céramiques électroniques avancées. Le dioxyde de titane, par exemple, exploite des propriétés similaires dans nos capteurs et condensateurs modernes.

L’impact de cette découverte résonne particulièrement dans notre compréhension des phénomènes météorologiques. Les mesures effectuées par l’équipe correspondent étroitement aux énergies électriques observées lors de collisions de particules glacées dans les nuages d’orage. La flexoélectricité pourrait ainsi expliquer certains mécanismes de formation des éclairs qui demeuraient mystérieux.

Gustau Catalán, responsable du groupe de recherche, souligne cette concordance : « Les résultats correspondent à ceux observés lors de collisions glace-particules pendant les orages. »

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©Public Domain Pictures

Vers une nouvelle ère scientifique

Au-delà des applications immédiates, cette recherche illustre parfaitement comment nos certitudes scientifiques peuvent être remises en question. Un matériau aussi familier que la glace recèle encore des secrets fondamentaux.

Les chercheurs envisagent déjà de revisiter d’autres processus naturels impliquant la glace, suspectant que la flexoélectricité pourrait influencer des phénomènes jusqu’alors incompris.

Cette découverte, publiée dans la prestigieuse revue Nature Physics, transforme notre perception de la glace : d’un simple témoin passif des conditions climatiques, elle devient un acteur électriquement actif de notre environnement.

Qui aurait imaginé qu’un simple glaçon puisse révolutionner notre compréhension de la matière ?

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.