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Des fouilles menées dans le plus grand secret au Luxembourg révèlent une histoire méconnue de l’Empire Romain

Les terres du Luxembourg réservent encore bien des surprises. Une fouille récente à Holzthum, au nord du pays, a mis au jour un véritable trésor : 141 pièces d’or datant du IVᵉ siècle. Ces monnaies, issues du Bas-Empire romain, offrent de précieux indices sur une période charnière marquée par de profonds bouleversements politiques, économiques et religieux. Retour sur cette découverte exceptionnelle et ses enseignements.

Des fouilles discrètes pour une découverte majeure

Entre 2020 et 2024, l’Institut national de recherches archéologiques (INRA) du Luxembourg a mené des fouilles dans le plus grand secret. Cette discrétion était essentielle pour plusieurs raisons. Le site de Holzthum, situé dans une zone ayant subi les combats de la Seconde Guerre mondiale, nécessitait un déminage complet pour garantir la sécurité des chercheurs. Par ailleurs, la nature exceptionnelle du trésor imposait des mesures strictes pour prévenir tout risque de pillage.

Le choix de garder les recherches confidentielles était également dicté par des considérations scientifiques. En évitant la présence de curieux ou d’interventions non autorisées, les archéologues ont pu mener une analyse approfondie des artefacts dans leur contexte d’origine.

Un site stratégique : la tour de guet romaine

Au cœur de cette découverte se trouve un édifice clé : un burgus, une tour de guet datant du Bas-Empire romain. Ces structures étaient essentielles pour surveiller les frontières septentrionales de l’Empire et prévenir les incursions barbares.

Les vestiges du burgus de Holzthum indiquent qu’il était stratégiquement situé pour contrôler une route commerciale majeure reliant les provinces romaines. Cette position explique sans doute pourquoi un trésor aussi précieux y a été dissimulé.

Les pièces d’or : un témoignage économique et politique

Les 141 pièces d’or découvertes, connues sous le nom de solidi, illustrent la prospérité relative de l’Empire romain malgré ses difficultés croissantes. Chaque pièce, pesant environ 4,5 grammes, était frappée à l’effigie de neuf empereurs ayant régné entre 364 et 408 après J.-C.

Ces monnaies servaient à la fois d’échange économique et de propagande politique. Leur homogénéité en or pur garantissait leur crédibilité à travers tout le bassin méditerranéen. L’excellente conservation de ces pièces offre une opportunité unique d’étudier les flux commerciaux et les stratégies économiques de cette époque troublée.

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Un empereur controversé : le cas d’eugenius

Parmi les pièces retrouvées, trois exemplaires frappés à l’effigie d’Eugenius attirent particulièrement l’attention. Cet empereur, souvent qualifié d’illégitime, a régné brièvement entre 392 et 394 après J.-C. Proclamé par le général franc Arbogast, il a tenté de rétablir les rites païens dans un Empire en pleine conversion au christianisme.

Cependant, son règne fut marqué par un affrontement décisif avec Théodose Ier, fervent défenseur du christianisme. La bataille du Frigidus en 394 scella son sort : Eugenius fut vaincu et exécuté. Les monnaies à son effigie, rares en raison de son court règne et de l’effacement volontaire de sa mémoire par ses successeurs, sont des témoignages uniques de cette période de transition.

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Hypothèses sur l’origine du trésor

Pourquoi ces pièces ont-elles été enterrées ? Les chercheurs avancent plusieurs théories :

  • Protection en période de crise : En raison des incursions barbares fréquentes, ce trésor aurait été caché pour éviter qu’il ne tombe entre de mauvaises mains.
  • Offrandes rituelles : Certaines hypothèses évoquent un dépôt à des fins religieuses, lié à la coexistence de rites païens et chrétiens.
  • Pension militaire : Les soldats stationnés dans cette zone frontalière auraient pu y accumuler leur solde en or.

Une découverte au-delà du numéraire

Cette découverte ne se limite pas à son aspect monétaire. Elle offre une fenêtre sur les dynamiques sociales, économiques et militaires de la fin de l’Empire romain d’Occident. Les pièces racontent une histoire complexe, faite de luttes pour le pouvoir, de transitions religieuses et de bouleversements économiques.

Comme l’a souligné Eric Thill, ministre luxembourgeois de la Culture : « Cette découverte enrichit notre compréhension des derniers siècles de l’Empire romain. Elle constitue un jalon essentiel pour décrypter les origines de l’Europe médiévale. »

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la publications de l’INRA.

Cette fouille illustre combien le passé continue de nous parler, à travers des trésors enfouis qui nous rappellent les grandes mutations ayant façonné notre histoire commune.

Rédigé par Vincent