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Des forĂȘts pĂ©dagogiques pour sensibiliser les plus jeunes aux enjeux forestiers

bains de forĂȘt Shinrin-yoku
Crédits : audioundwerbung/istock

Si les enjeux liĂ©s au climat et Ă  l’environnement sont de plus en plus prĂ©sents dans l’esprit des plus jeunes, rien ne remplace le contact direct avec la nature. Le programme « Dans 1000 communes, la forĂȘt fait Ă©cole », portĂ© par la FĂ©dĂ©ration nationale des Communes forestiĂšres, permet Ă  des Ă©lĂšves de la maternelle jusqu’au CM2 de comprendre les enjeux de la gestion forestiĂšre (environnementaux, Ă©conomiques et sociaux). Ce programme propose, en effet, de confier Ă  des enfants (Ă©lĂšves des Ă©coles, membres d’un conseil municipal de jeunes, centre de loisirs…) une parcelle de forĂȘt de leur commune. De quoi sensibiliser, espĂšrent ses concepteurs, les parents des enfants concernĂ©s, mais aussi faire naĂźtre des vocations de forestiers et autres professionnels de la filiĂšre bois-forĂȘt.

« MĂ©gafeux » au Canada (12 millions d’hectares de forĂȘts brĂ»lĂ©s), incendies historiques Ă  HawaĂŻ qui ont tuĂ© plus de cent personnes et causĂ© plus de 5,5 milliards de dollars de dĂ©gĂąts, feux spectaculaires autour de la MĂ©diterranĂ©e (GrĂšce, Turquie, AlgĂ©rie, Sicile ou encore Tunisie)… C’est dans ce contexte, anxiogĂšne, que les enfants ont effectuĂ© une rentrĂ©e scolaire plus que jamais teintĂ©e par les informations liĂ©es au changement climatique. Un sujet aujourd’hui incontournable pour eux, que ce soit en famille, dans la cour de rĂ©crĂ©ation et mĂȘme, dĂ©sormais, en bonne place dans les programmes officiels. En France, le rĂŽle de l’éducation au dĂ©veloppement durable a ainsi Ă©tĂ© consacrĂ© par la loi « climat et rĂ©silience » d’aoĂ»t 2022 ; depuis 2019, des « éco-dĂ©lĂ©guĂ©s » sont dĂ©signĂ©s dans chaque classe de collĂšges et de lycĂ©es et le rĂ©chauffement climatique fait officiellement partie des programmes scientifiques ; enfin, le ministĂšre de l’Éducation a, en juin dernier, publiĂ© une sĂ©rie de vingt mesures destinĂ©es Ă  faire comprendre davantage les enjeux de la transition Ă©cologique aux Ă©lĂšves.

Les bĂ©nĂ©fices de l’école au grand air

Si les enjeux liĂ©s au climat et Ă  l’environnement sont de plus en plus prĂ©sents dans l’esprit des plus jeunes, rien ne remplace la perception directe et sensorielle de la nature avec un grand « N ». Les bĂ©nĂ©fices des activitĂ©s en plein air pour les enfants sont, depuis bien longtemps, Ă©tablis : dĂšs le dĂ©but du XXe siĂšcle, les concepteurs de la mĂ©thode Freinet incitaient les enseignants Ă  amener leurs Ă©lĂšves dans la nature afin d’échanger directement avec leur environnement. Plus rĂ©cemment, des Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que l’exposition rĂ©guliĂšre des plus jeunes Ă  la nature favorisait l’attention, l’autodiscipline, une meilleure forme physique, un stress rĂ©duit, une meilleure autonomie ainsi qu’une plus large tendance Ă  la coopĂ©ration. Elle engendre Ă©galement une diminution de la prĂ©valence de l’obĂ©sitĂ©, de la myopie et des allergies.

De la thĂ©orie Ă  la pratique, il n’y a qu’un pas, que certaines Ă©coles ont choisi de franchir avec le concours de la FĂ©dĂ©ration nationale des communes forestiĂšres (FNCOFOR). L’initiative, baptisĂ©e « Dans 1000 communes, la forĂȘt fait Ă©cole », permet aux Ă©lĂšves de la maternelle au CM2 de se rendre, plusieurs fois par an, dans une parcelle de forĂȘt de leur commune qu’ils doivent gĂ©rer eux-mĂȘmes avec l’accompagnement de tous les acteurs de la filiĂšre. Les Ă©lus, les enseignants et les enfants sont les acteurs principaux de ce programme, accompagnĂ©s localement par les Communes forestiĂšres. « J’ai trouvĂ© cela intĂ©ressant de pouvoir lier la pratique avec tout ce qui est pĂ©dagogie, ce que l’on doit aussi travailler dans nos programmes », se fĂ©licite auprĂšs du mĂ©dia Brut Emilienne Briatte, enseignante dans une Ă©cole de la Meuse. L’objectif revendiquĂ© de ces sorties est de « montrer la façon dont fonctionne l’écosystĂšme forestier », appuie Jean-Brice Cordier, chargĂ© de mission construction bois au sein de l’Union rĂ©gionale des Communes forestiĂšres Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur.

Pour Arnaud Apert, vice-prĂ©sident des Communes forestiĂšres de la Meuse, il est aussi important que les enfants s’approprient ces parcelles sur le temps long : « de la maternelle jusqu’au CM2, un enfant (…) va pouvoir sur tout son cycle d’Ă©cole primaire suivre la forĂȘt. Ce qui fait qu’il sera capable Ă  la fin de son cycle d’avoir vĂ©cu la vie d’un arbre pendant 5-6 ans ». Arnaud Apert insiste aussi sur la dimension intra-familiale de cette transmission : « si on ne l’explique pas aux plus jeunes qui (…) feront l’Ă©ducation des parents, on va louper encore une gĂ©nĂ©ration. On se rend compte qu’en France, on n’a pas cette culture forestiĂšre [….] si on ne la met pas en place dĂšs le plus jeune Ăąge, forcĂ©ment, on va avoir un dĂ©ficit Ă  un moment ».

Valoriser les terrains qui subissent les effets du changement climatique

LancĂ© en 2019, le programme « Dans 1000 communes, la forĂȘt fait Ă©cole » qui compte aujourd’hui plus de cent communes, a justement pour ambition de former les citoyens de demain aux diverses fonctions de la forĂȘt. « L’idĂ©e », explique Clara GuĂ©rin, de la FNCOFOR, « est de leur donner envie d’en prendre soin, de s’y investir pour qu’ils puissent Ă  leur tour sensibiliser leurs parents et d’autres camarades ». Mais aussi d’inscrire cette dĂ©marche, encore une fois, dans le temps long, qui est par dĂ©finition celui de la gestion forestiĂšre. Ce d’autant plus dans un contexte de changement climatique qui fragilise les Ă©cosystĂšmes forestiers et bouleverse la maniĂšre de les occuper. Comme l’observe Sandre Falaschi, adjointe Ă  l’environnement de la commune d’Annot (Alpes-de-Haute-Provence) – dĂ©sertĂ©e, faute de neige, par les skieurs –, un projet de ForĂȘt pĂ©dagogique « est valorisant : pour la commune, pour les habitants, pour les touristes ».

Le rĂ©chauffement climatique se jouant des frontiĂšres humaines, le programme « Dans 1000 communes, la forĂȘt fait Ă©cole » comprend en bonne logique un volet international. Celui-ci permet aux classes françaises de partager leur expĂ©rience avec des Ă©lĂšves du QuĂ©bec, par la formation de binĂŽmes internationaux, et d’échanger autour de leur apprĂ©hension locale d’un phĂ©nomĂšne global. De quoi faire naĂźtre, chez les plus jeunes, de futures vocations de forestiers ? La filiĂšre bois-forĂȘt, qui souffre d’un manque criant de main d’Ɠuvre, a en effet tout Ă  gagner Ă  la multiplication de ces ForĂȘts pĂ©dagogiques : cette sensibilisation des enfants aux enjeux forestiers pourra se transformer en engagements concrets ,sur le long terme. De la thĂ©orie Ă  la pratique, le combat contre le changement climatique se gagnera donc autant dans les jeunes esprits qu’en faisant renouer les corps avec la magie de la forĂȘt.