Des experts veulent placer le mammouth laineux sur la liste des espèces protégées, et voici pourquoi

Crédits : Wikimedia Commons

Les experts de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) s’apprêtent à inscrire (ou non) le mammouth laineux sur la liste des espèces menacées. L’idée : lutter contre le « blanchiment » d’ivoire.

Pour sauver l’éléphant, peut-être devrions-nous sauver le mammouth, disparu il y a déjà 4 000 ans. C’est un peu l’idée de cette proposition présentée à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, tenue actuellement à Genève. Depuis l’interdiction par la Chine de l’importation et de la vente d’ivoire d’éléphant sur son territoire, une véritable « ruée vers le mammouth » s’est en effet installée en Sibérie, où l’ivoire de ces animaux disparus commence à se libérer des glaces. Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ça n’arrange pas les affaires des éléphants.

Jusqu’à 1 000 euros le kilo

La Yakoutie, une région du nord de la Sibérie, fait actuellement l’objet d’une véritable « chasse au trésors » : les défenses de mammouth. Plus massifs que ceux des éléphants, ces morceaux d’ivoire commencent peu à peu à émerger, à mesure que fond le pergélisol sibérien. Les emplois étant ici plutôt rares, et l’agriculture impossible, de nombreuses personnes voient en ces défenses un moyen de mieux gagner leur vie. Et il y a beaucoup d’argent en jeu. L’ivoire de mammouth peut en effet se vendre à plus de 1 000 euros le kilo. Précisons au passage qu’une défense peut à elle seule peser jusqu’à 50 kilos. Près de 80 tonnes d’ivoire de mammouth auraient ainsi été exportées en 2017. Une goutte d’eau, puisqu’environ 500 000 tonnes joncheraient encore les sols de la région. Faites le calcul.

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Les défenses de mammouths : un marché lucratif. Crédits : Jean-Pierre Dalbéra/Flickr

L’éléphant indirectement concerné

Sur le papier, les mammouths laineux ont disparu. C’est pourquoi ils ne sont pas protégés par les accords internationaux. Et après tout, le fait de « ressortir » des spécimens de la glace pourrait en un sens être bénéfique d’un point de vue paléontologique. Mais ce n’est pas aussi simple. Certains, par exemple, craignent à juste titre que le fait de prospecter autant dans la région pourrait favoriser la fracturation du pergélisol. Un sol gelé qui, on le rappelle, renferme d’énormes quantités de gaz à effet de serre. Mais les craintes ne sont pas qu’environnementales. La survie de l’éléphant est également menacée.

Effectivement, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’idée de se focaliser sur le mammouth ne libère pas la pression sur leur cousins modernes. Une fois taillé, l’ivoire de ces deux espèces n’est pas vraiment distinguable. Le commerce d’ivoire de mammouths a donc pour effet indirect de faciliter le commerce d’ivoire d’éléphant, puisque les autorités ne peuvent pas facilement les reconnaître. D’où la présence du mammouth dans les débats qui se tiennent actuellement à Genève.

Certains experts vont en effet proposer d’ajouter l’espèce disparue à la liste des espèces protégées dans le but de réguler ce trafic qui bénéficie aujourd’hui d’une « zone grise » réglementaire. Il sera plus précisément question d’inscrire le mammouth laineux à l’Annexe II de la convention. Ce qui permettrait un meilleur contrôle de son commerce. Il est également prévu de placer les éléphants modernes à l’Annexe I, cette fois. Ce qui aurait pour effet d’interdire catégoriquement la vente de son ivoire.

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