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Créduts : ismagilov/istock

Des chimistes vient d’accomplir l’impossible… Et ça concerne la vie dans l’univers

Dans les laboratoires de l’université d’Hawaï, une équipe de chimistes vient d’accomplir l’impossible : créer une molécule si instable qu’elle était considérée comme pure théorie depuis plus d’un siècle. Ce « superalcool » aux propriétés extraordinaires pourrait bien détenir la clé de l’un des plus grands mystères de l’univers : comment la vie émerge-t-elle dans les confins glacés de l’espace ? Cette découverte révolutionnaire ouvre une fenêtre inédite sur les mécanismes chimiques qui gouvernent la naissance des organismes vivants à travers le cosmos.

L’impossible molécule enfin matérialisée

Le méthanetétrol porte bien son surnom de « superalcool ». Cette molécule unique en son genre présente une architecture chimique d’une complexité remarquable : quatre groupes oxygène-hydrogène gravitent autour d’un seul et unique atome de carbone central. Une configuration si particulière qu’elle défie les lois habituelles de la stabilité moléculaire.

Depuis sa conceptualisation théorique au début du 20e siècle, cette structure chimique fascinait autant qu’elle frustrait la communauté scientifique. Les chercheurs savaient qu’elle devait exister quelque part dans l’univers, mais sa synthèse en laboratoire semblait relever de la science-fiction. Le défi résidait dans l’extraordinaire fragilité de ses liaisons : le moindre changement de température ou de pression suffisait à la faire s’effondrer instantanément.

Cette instabilité chronique explique pourquoi le méthanetétrol demeure totalement absent de notre environnement terrestre. Les conditions climatiques de notre planète, pourtant favorables à une biodiversité luxuriante, se révèlent paradoxalement hostiles à l’existence de cette molécule primordiale.

Recréer l’espace en laboratoire

L’équipe dirigée par Ralf Kaiser a dû faire preuve d’une ingéniosité technique remarquable pour parvenir à ses fins. Leur stratégie consistait à reproduire fidèlement les conditions extrêmes qui règnent dans les régions les plus reculées de l’espace, là où les températures frôlent le zéro absolu et où les radiations cosmiques sculptent la matière.

Le dispositif expérimental mis au point plonge un mélange d’eau et de dioxyde de carbone dans un froid sibérien de -268°C, soit seulement quelques degrés au-dessus du zéro absolu. Cette température vertigineuse, obtenue grâce à un cryoréfrigérateur de pointe, ralentit considérablement l’agitation moléculaire et permet aux liaisons les plus fragiles de se stabiliser temporairement.

L’étape cruciale intervient avec l’exposition de ce cocktail gelé à des radiations artificielles mimant les rayons cosmiques. Ces particules énergétiques déclenchent une cascade de réactions chimiques d’une subtilité extrême, permettant aux molécules d’eau et de dioxyde de carbone de se réorganiser selon des schémas impossibles dans les conditions terrestres standard.

La détection de ces quantités infimes de méthanetétrol a nécessité l’emploi de techniques spectroscopiques ultraviolettes de dernière génération. Cette prouesse technologique repousse les limites de ce qui était techniquement réalisable jusqu’alors dans le domaine de l’astrochimie expérimentale.

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Les scientifiques théorisent l’existence du méthanetétrol depuis plus d’un siècle, mais il n’est pas présent naturellement sur Terre. Crédit image : Andrew Turner

Une bombe à retardement cosmique

Ryan Fortenberry, co-auteur de ces travaux révolutionnaires, décrit le méthanetétrol avec des termes particulièrement évocateurs. Cette « bombe prébiotique » concentre dans sa structure compacte un potentiel chimique considérable, attendant simplement le déclencheur énergétique approprié pour libérer ses trésors moléculaires.

Lorsque cette décomposition se produit, le méthanetétrol génère un cocktail de composés fondamentaux pour l’émergence de la vie : eau pure, peroxyde d’hydrogène, et diverses molécules organiques complexes. Cette transformation s’apparente à l’éclosion d’un gland qui, dans des conditions favorables, peut donner naissance à un chêne majestueux.

L’analogie avec une « molécule porteuse de vie » prend tout son sens quand on considère que le méthanetétrol appartient à la famille des acides ortho. Ces composés chimiques occupent une place centrale dans les théories actuelles sur l’origine de la vie, étant considérés comme des précurseurs indispensables aux premières réactions biochimiques complexes.

Les implications cosmiques

Cette découverte transforme radicalement notre compréhension des processus chimiques qui opèrent dans l’espace profond. Les nuages de poussière interstellaire, berceaux des futures étoiles et planètes, pourraient abriter d’immenses réservoirs de méthanetétrol en attente d’activation.

La capacité démontrée de synthétiser cette molécule dans des conditions de laboratoire suggère fortement qu’elle peut également se former naturellement dans l’espace. Cette perspective ouvre des horizons vertigineux pour l’astrobiologie : identifier des régions spatiales riches en méthanetétrol reviendrait à cartographier les zones potentiellement propices à l’émergence de la vie.

Les implications s’étendent bien au-delà de notre système solaire. Dans l’immensité cosmique, des milliards de sites pourraient actuellement héberger les conditions nécessaires à la formation de ce superalcool et, par extension, aux premiers balbutiements de processus biologiques.

Vers de nouveaux paradigmes

Cette percée scientifique, publiée dans Nature Communications, marque un tournant dans notre approche de l’astrochimie. Elle démontre que des molécules jugées trop instables pour exister peuvent non seulement être créées, mais également étudiées dans leurs moindres détails.

Les prochaines étapes de cette recherche promettent d’être tout aussi passionnantes. L’équipe compte désormais explorer les interactions du méthanetétrol avec d’autres composés spatiaux, ouvrant la voie à une compréhension plus fine des mécanismes qui président à l’émergence de la complexité biochimique dans l’univers.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.