Des chercheurs suggèrent un futur plus favorable qu’attendu pour le phytoplancton !

phytoplancton
Crédits : Wikimedia Commons.

Avec le changement du climat, les spĂ©cialistes s’attendent Ă  voir une rĂ©duction substantielle de la biomasse planctonique. Un paradigme qui a rĂ©cemment Ă©tĂ© remis en question par des chercheurs de l’UniversitĂ© de Californie (États-Unis). En s’appuyant sur des donnĂ©es plus prĂ©cises, le groupe anticipe au contraire une augmentation d’ici 2100. Des rĂ©sultats publiĂ©s dans la revue Nature Geoscience le 27 janvier dernier. 

Les premiers modèles de climat Ă©taient très simples lorsqu’on les compare Ă  ceux d’aujourd’hui. En effet, ils reprĂ©sentaient un monde essentiellement marquĂ© par les Ă©changes de chaleur et d’eau. Le noyau dur d’une certaine manière. Avec le temps, l’augmentation de la capacitĂ© de calcul a permis d’inclure de plus en plus de processus, de complexitĂ©. En somme, de construire une rĂ©plique toujours plus fidèle de la Terre.

Parmi les phénomènes complexes qui se sont ajoutés, on peut citer ceux qu’a amené la biologie. Le vivant répond aux changements du climat et rétroagit sur ce dernier. Il convient donc d’en tenir compte si l’on souhaite améliorer la qualité des modélisations. Par ailleurs, l’état des différents écosystèmes revête une importance en soi puisque nous en dépendons directement (pêche, agriculture, pollinisation, etc.).

La baisse de la biomasse planctonique questionnée

Toutefois, ces questions sont encore difficiles à résoudre à l’heure actuelle. Prenons l’exemple du phytoplancton. Ce dernier comprend l’ensemble des organismes végétaux se développant et vivant en suspension dans la couche superficielle de l’océan. De taille microscopique, on en compte plus de 20 000 espèces. Il revêt une importance écosystémique majeure, puisqu’il se situe à la base des chaînes alimentaires marines.

plancton biomasse
Biomasse actuelle de pico-phytoplancton, lequel représente 80 à 90 % de la biomasse planctonique dans les tropiques. Crédits : Pedro Flombaum & al. 2020.

Jusqu’à présent, les résultats obtenus par les modèles projetaient une diminution notable avec le réchauffement global. En particulier dans le monde tropical. Une tendance due au renforcement de la stratification océanique. Dit autrement, le mélange entre l’eau chaude superficielle et celle plus froide en sub-surface diminue ce qui réduit l’apport en nutriments vers la surface. En conséquence, le plancton se retrouve affamé et sa biomasse s’écroule. Le mécanisme paraît assez trivial et semble en accord avec les observations.

Cependant, une Ă©quipe d’ocĂ©anographes de l’UniversitĂ© de Californie a rĂ©cemment rappelĂ© que ce paradigme Ă©tait ancrĂ© sur des bases discutables. En particulier, en pointant le fait que les mesures du phytoplancton reposent habituellement sur la quantitĂ© de chlorophylle en prĂ©sence.

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Impact du changement climatique sur la biomasse de pico-phytoplancton en % (différence entre la fin du 20e siècle et la fin du 21e siècle). Crédits : Pedro Flombaum & al. 2020.

« Le problème est que la chlorophylle n’est pas tout ce qui se trouve dans une cellule. Aux basses latitudes, de nombreux planctons sont caractĂ©risĂ©s par une très petite quantitĂ©. Il y a tellement de lumière solaire que le plancton n’a besoin que de quelques molĂ©cules de chlorophylle (…) pour grandir » dĂ©taille Adam Martiny, co-auteur de l’étude. « En rĂ©alitĂ©, nous avons jusqu’Ă  prĂ©sent très peu de donnĂ©es pour rĂ©ellement dĂ©montrer s’il y a plus ou moins de biomasse dans les rĂ©gions plus stratifiĂ©es. En consĂ©quence, la base empirique pour moins de biomasse dans les rĂ©gions plus chaudes n’est pas si solide ».

Climat et phytoplancton : des résultats plus engageants

Or, ces mesures servent à calibrer et valider les modèles, ce qui peut donc induire un biais notable. En outre, les outils numériques ne tiennent pas compte des nombreux phénotypes existants. Des raisons qui ont motivé les scientifiques à collecter plus de 13 000 échantillons d’eau de mer à travers le monde. Lesquels révèlent la diversité du plancton et sa biomasse en fonction de la température. Ces prélèvements ont pu alimenter un réseau de neurones artificiel afin d’anticiper comment ces variables devraient évoluer d’ici à 2100 avec un réchauffement marqué.

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Emplacements gĂ©ographiques des 13 771 prĂ©lèvements utilisĂ©s dans le cadre de l’Ă©tude discutĂ©e. CrĂ©dits : Pedro Flombaum & al. 2020.

« Dans de nombreuses rĂ©gions, il y aurait une augmentation de 10 % Ă  20 % de la biomasse du plancton, plutĂ´t qu’une baisse » rapporte Adam Martiny. Dans leur Ă©tude, les auteurs expliquent que ces rĂ©sultats sont attribuables Ă  un meilleur recyclage de la matière organique dans la couche ocĂ©anique superficielle et Ă  une moindre demande. Un processus qui ne peut ĂŞtre reprĂ©sentĂ© sans considĂ©rer les petites espèces de phytoplancton – le pico-phytoplancton qui reprĂ©sente 80 Ă  90 % de la biomasse planctonique dans les tropiques.

On notera que la rĂ©gion nord-atlantique subit une baisse gĂ©nĂ©ralisĂ©e, ce qui ne contredit donc pas nĂ©cessairement de rĂ©cents rĂ©sultats faisant Ă©tat d’un dĂ©clin rĂ©gional prononcĂ©.

« Au moins pendant un certain temps, je pense que les capacitĂ©s d’adaptation de ces diverses communautĂ©s de plancton les aideront Ă  maintenir une biomasse Ă©levĂ©e malgrĂ© les changements environnementaux » rapporte le co-auteur susmentionnĂ©. Une perspective rassurante sur l’avenir de cet Ă©cosystème majeur qui ne doit pas occulter les incertitudes importantes dont elle est encore tributaire. Aussi, on suivra attentivement les futurs travaux dĂ©diĂ©s Ă  cette thĂ©matique.

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