Des chercheurs proposent de construire une « Arche lunaire » pour sauvegarder des millions d’espèces

lune russie chine
La Lune vue par la sonde spatiale Galileo en 1992. Crédits : NASA / JPL / USGS

Une équipe de chercheurs propose la construction d’une « Arche de Noé » sur la Lune permettant la sauvegarde de millions d’espèces de plantes et d’animaux. Si le projet paraît techniquement très compliqué, il n’en reste pas moins fascinant.

Tout le monde ou presque a déjà entendu parler de la réserve mondiale de semences du Svalbard. Construite pour faire face aux coups durs portés par les guerres, famines et maladies, cette arche abrite aujourd’hui plus d’un million d’espèces de graines. D’autres « arches » ont également été construites pour la préservation du monde animal (échantillons de sperme, d’ovules ou encore de tissus).

Toutefois, ces structures ne sont peut-être pas aussi résistantes que nous le souhaiterions. En 2016 par exemple, l’augmentation des températures dans l’Arctique avait en effet entraîné une fonte du pergélisol, provoquant une fuite d’eau à l’entrée du tunnel.

Si seul le hall d’entrée avait été touché à l’époque et qu’aucune semence n’avait été endommagée, il s’agissait d’une première alerte. Et au regard des projections climatiques, nous savons que des incidents de ce type, potentiellement beaucoup plus graves, pourront se reproduire à l’avenir. Reste à savoir si ces coffres-forts pourront tenir le coup.

Toujours est-il que, malheureusement, peu d’endroits sur Terre (voire aucun) sont en réalité totalement sûrs. De fait, une équipe de l’Université de l’Arizona s’est tournée vers la Lune.

Une Arche lunaire ?

Alors, notre satellite pourrait-il être notre « police d’assurance » nous garantissant la préservation de toutes les formes de vie terrestre ? L’idée pourrait surprendre, mais à des égards, la Lune serait un endroit parfait pour ce type d’installation. Il y fait en effet très froid, l’environnement est tectoniquement stable, il n’y a jamais d’eau de fonte et aux dernières nouvelles, il n’y a aucun humain dans les parages.

Dans leur étude, les chercheurs s’inspirent de la célèbre histoire biblique de l’Arche de Noé. Cependant, au lieu de deux représentants de chaque espèce, cette arche lunaire viserait à stocker des graines, des spores, des spermatozoïdes et des œufs cryogéniquement congelés de 6,7 millions d’espèces animales, végétales et fongiques terrestres.

D’après les auteurs, cette arche pourrait être construite à l’intérieur de tubes de lave découverts sous la surface de la Lune. Ces structures se sont formées il y a des milliards d’années, lorsque des ruisseaux de lave ont fondu à travers la roche tendre, formant des cavernes souterraines. Ces tunnels pourraient alors fournir un abri contre le rayonnement solaire, les micrométéorites et les changements de température de surface.

tunnel de lave mars
Un tunnel de lave retrouvé dans la Valentine Cave, en Californie. Crédits : Dave Bunnell/Wikipédia

Lévitation quantique

Le modèle de l’équipe comprend un ensemble de panneaux solaires en surface qui fourniraient de l’électricité. Plusieurs puits d’ascenseur mèneraient ensuite à l’installation où les boîtes de Pétri seraient logées dans une série de modules de conservation cryogénique. Ici, les graines devraient être conservées à -180°C et les cellules souches à -196°C.

L’un des grands défis à surmonter avec ce type d’approche cryogénique est le maintien de l’intégrité physique des structures métalliques. Cependant, il existe un moyen de profiter des températures extrêmes en utilisant un phénomène d’un autre monde, appelé lévitation quantique.

«Dans ce processus, un matériau supraconducteur cryorefroidi flotte au-dessus d’un puissant aimant. Les deux pièces sont verrouillées ensemble à une distance fixe, donc partout où va l’aimant, le supraconducteur suit», explique Jekan Thanga, principal auteur de l’étude. «C’est comme s’ils étaient maintenus ensemble par des cordes, mais par des cordes invisibles».

L’idée serait donc de s’appuyer sur ce phénomène pour faire flotter les étagères d’échantillons au-dessus des surfaces métalliques, permettant ainsi à des robots de naviguer dans l’installation au-dessus de pistes magnétiques.

arche lune
L’arche lunaire proposée. Crédits : Université de l’Arizona

Un autre obstacle très important sera de livrer tous ces matériaux sur place. Un projet d’une telle envergure pèse en effet très lourd, mais ne serait pas insurmontable d’après l’équipe. Les chercheurs estiment qu’il faudrait environ 250 lancements pour transporter cinquante échantillons de chacune des quelque 6,7 millions d’espèces sur Terre.

Enfin, on ne sait pas non plus comment ces échantillons pourraient être affectés par le manque de gravité. Autrement dit, le projet paraît intéressant, mais il interroge aussi beaucoup. Pour l’heure, ce n’est ainsi qu’une idée sur le papier. Reste à savoir si nous avons les moyens techniques et financiers de le développer. Une chose est sûre, ce ne sera pas pour tout de suite !