La recherche de vie au-delà de la Terre fascine autant qu’elle déroute. Depuis des décennies, les scientifiques explorent notre système solaire à la recherche d’indices qui pourraient trahir l’existence d’êtres vivants, présents ou passés. Mars, avec son histoire géologique complexe et ses traces d’eau ancienne, reste la candidate la plus étudiée. Mais une question essentielle persiste : comment savoir, avec les moyens dont nous disposons, si une découverte signifie réellement qu’une forme de vie existe encore aujourd’hui ? Une équipe de chercheurs pense avoir trouvé une réponse étonnamment simple… grâce à une technologie déjà présente à bord des rovers martiens.
Une signature chimique qui pourrait trahir la vie
Pour qu’il y ait vie, il faut des cellules. Et pour qu’il y ait des cellules, il faut des membranes, ces structures délicates qui les protègent et organisent leur fonctionnement. Ces membranes sont composées, entre autres, de molécules particulières : les lipides polaires intacts (IPL). Sur Terre, ces molécules ont déjà été utilisées pour estimer la biomasse microbienne dans divers environnements, comme les sédiments des fonds océaniques.
Solomon Hirsch et le professeur Mark Sephton, de l’Imperial College de Londres, ont eu l’idée d’appliquer cette méthode à la recherche de vie sur Mars. Leur raisonnement est simple : si des IPL sont détectés dans un échantillon, ils proviennent forcément de cellules, donc d’organismes vivants ou récemment disparus. Et surtout, ces lipides se dégradent très rapidement après la mort, parfois en quelques heures seulement. Autrement dit, leur présence signifierait une activité biologique très récente.
Une technologie déjà en place sur Mars
Ce qui rend cette découverte particulièrement prometteuse, c’est que les rovers de la NASA – Curiosity et Perseverance – mais aussi le futur rover Rosalind Franklin de l’Agence spatiale européenne, disposent déjà de l’outil nécessaire : un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse (GC-MS).
Cet instrument fonctionne en chauffant les échantillons pour en analyser les composants chimiques. Il a déjà permis d’identifier diverses molécules organiques sur Mars. Mais Hirsch et son équipe ont voulu savoir si le GC-MS était capable de reconnaître la signature chimique des IPL. Leurs tests ont montré que oui : les IPL de bactéries vivantes produisent un pic bien distinct dans les analyses.
En clair, si de tels signaux étaient un jour détectés sur Mars, les scientifiques pourraient affirmer, avec un degré de certitude inédit, qu’ils proviennent d’organismes encore vivants ou tout juste éteints.
Un potentiel bien au-delà de Mars
L’idée ne s’arrête pas à la planète rouge. Les chercheurs s’intéressent déjà aux futures missions vers les lunes glacées de Jupiter, comme Europe, où des océans d’eau liquide existent sous la surface gelée. Les instruments embarqués pourraient-ils eux aussi repérer les IPL, et donc révéler la présence d’une vie microbienne dans ces environnements extrêmes ?
Si la réponse est oui, cette approche ouvrirait une nouvelle ère pour l’astrobiologie : celle où l’on ne se contente plus de trouver des traces de vie anciennes, mais où l’on pourrait enfin identifier une vie active, en temps réel, ailleurs dans le système solaire.

Une simple molécule pour une question fondamentale
Pour l’instant, aucune preuve directe de vie extraterrestre n’a été trouvée. Mais grâce aux IPL et aux technologies déjà déployées, les chercheurs disposent désormais d’un outil potentiellement décisif pour répondre à une question qui hante l’humanité depuis des siècles : sommes-nous seuls dans l’univers ?
Peut-être que la réponse viendra d’une molécule minuscule, analysée sur une planète lointaine, et d’une technologie déjà à notre portée.
