Des chercheurs ont observé un phénomène météorologique intrigant en mesure d’améliorer notre compréhension du changement climatique

Crédits : MODIS/North Carolina State University.

En analysant les archives des images satellitaires au-dessus de l’Atlantique du Sud-est, des chercheurs ont noté l’apparition régulière d’un phénomène de dissipation extrêmement brutale des nuages bas à grande échelle. Le bord de la couverture nuageuse qui se réduit paraît alors « coupé au couteau ». Une étude de ce phénomène – ainsi que son implication dans la compréhension du climat et son évolution – a été publiée dans la revue Science ce 19 juillet.

La présence de nuages bas de type stratocumulus est une caractéristique dominante des régions situées à l’est des océans subtropicaux, dont un exemple est le sud-est de l’Atlantique subtropical. Ces nuages sont associés à des zones anticycloniques semi-permanentes qui piègent en quelque sorte l’humidité dans les basses couches et à une eau de surface relativement froide. En passant en revue de nombreuses années d’observations satellitaires dans l’Atlantique sud-est, des chercheurs ont noté que cette couche nuageuse subit parfois une dissipation extrêmement rapide. Elle présente alors un bord « coupé au couteau », délimitant de façon radicale la région sans nuages – ou presque – à l’est et la couverture nuageuse encore intacte à l’ouest. Cette zone de transition abrupte fait généralement moins de 10 kilomètres de largeur et met moins de 15 minutes à dissiper la nébulosité à son passage.

Les scientifiques américains de l’Université d’État de Caroline du Nord ont évidemment cherché la cause de ce phénomène intrigant, et ont publié leurs résultats dans une étude parue ce 19 juillet. « La dissipation des nuages se produit rapidement le long d’une ligne organisée faisant plusieurs centaines de kilomètres de longueur. Ces lignes peuvent se déplacer vers l’ouest (à une vitesse de 8 à 12 mètres par seconde) pendant un jour ou plus et dissiper une surface nuageuse équivalente à plus de deux fois celle de la Californie » indique Sandra E. Yuter, auteure principale du papier. Ce phénomène peut se produire à n’importe quel moment de l’année, mais son occurrence maximale se situe en mai, où plus de la moitié des jours du mois sont concernés !

Les auteurs ont noté que le début du processus de dissipation s’enclenche près de la côte africaine peu après minuit, et se propage vers l’ouest durant le reste de la nuit et la journée suivante. Cette information exclut une cause reliée au réchauffement solaire diurne. Par ailleurs, l’orientation du vent par rapport à l’avancée de la limite couche nuageuse/ciel clair révèle que ce ne sont pas les nuages qui sont simplement advectés vers l’ouest par celui-ci. L’explication la plus crédible fait intervenir l’effet d’ondes de gravité atmosphériques sur les nuages. « Ces sortes de vagues provoquent des mouvements verticaux de va-et-vient dans l’atmosphère, semblables à un bateau qui se balance sur l’océan. Nous émettons l’hypothèse que les vents provenant du continent interagissent avec l’air stable au-dessus de l’océan et forment ces ondes qui se déplacent ensuite à travers le champ de nuages et favorisent le mélange et l’évaporation de ceux-ci » explique Sandra E. Yuter.

Ce mécanisme n’avait pas été documenté jusqu’à présent, et peut avoir des implications importantes pour le climat et sa sensibilité aux forçages naturels ou anthropiques. En effet, ce processus permet de dissiper rapidement une grande étendue de nuages bas, ces derniers étant connus pour être de bons réflecteurs du rayonnement solaire. Cela diminue la part d’énergie incidente renvoyée vers l’espace et augmente donc le flux énergétique qui rentre dans le système climatique. Affiner la compréhension des processus responsables de ces événements permettra d’éclairer dans le même temps les questions relatives à la façon dont les nuages pourraient évoluer dans un climat qui se réchauffe (évolution de la fréquence de ces épisodes de dissipations nuageuses très rapides, par exemple).

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