Des chercheurs ont conçu un « vagin sur puce »

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À l’aide de morceaux flexibles de silicone, des chercheurs ont réussi à faire pousser des tissus capables d’imiter les interactions physiques complexes entre les cellules et les fluides vaginaux, créant des modèles d’organes malléables en trois dimensions. Ce type d’approche pourrait un jour aider les chercheurs à tester des traitements pour les infections bactériennes du vagin. Les détails de l’étude sont publiés dans BMC.

Le microbiome vaginal est un environnement ultra complexe. D’un côté, nous savons qu’une dominance d’espèces de Lactobacillus non inertes est optimale et fortement corrélée à la bonne santé gynécologique et obstétricale. D’un autre côté, la présence de diverses autres bactéries, similaires aux communautés trouvées dans la vaginose bactérienne, est associée à des effets néfastes.

Les chercheurs explorent depuis plusieurs années diverses stratégies thérapeutiques visant à moduler la composition de ce microbiome vaginal. Cependant, il n’existe à ce jour aucun modèle capable de reproduire fidèlement ce micro-environnement épithélial dans le but d’explorer d’éventuelles thérapies. C’est là qu’interviennent le Dr Don Ingber et son équipe.

Le Dr Don Ingber est spécialisé depuis plus de quinze ans dans la fabrication d’organes « sur puce ». L’objectif est de cultiver plusieurs tissus prélevés sur des donneurs dans le but de pouvoir travailler ensuite avec. Au cours de ces dernières années, le chercheur a ainsi développé des poumons, un foie, des intestins ou encore de la peau. Plus récemment, il a ajouté un organe beaucoup moins étudié à sa liste : le vagin.

Vaginose bactérienne

Ce « vagin sur puce » a été fabriqué à partir de cellules vaginales données par deux femmes. Le modèle, cultivé de manière à ce que les tissus puissent réagir aux fluctuations des taux d’œstrogène et à la présence bactérienne, a réussi à imiter les principales caractéristiques du microbiome vaginal, selon l’étude financée par la Fondation Gates.

Dans le détail, les chercheurs ont pu imiter la façon dont un vrai vagin réagit aux bons et aux mauvais environnements bactériens. Le tissu réagissait par exemple positivement à un cocktail de lactobacilles, un type de bactérie qui digère les sucres et produit de l’acide lactique. Ces bactéries, qui génèrent un environnement acide à l’intérieur du vagin humain, protègent l’organe des infections. À l’inverse, l’inflammation a augmenté et les cellules ont été rapidement endommagées lorsque les chercheurs ont intégré d’autres bactéries associées à des infections vaginales.

Ces réactions sont similaires à ce qui se passe lorsqu’une femme contracte une vaginose bactérienne, qui se développe essentiellement suite à une surabondance de bactéries nocives dans le microbiome vaginal. Leur présence abaisse le taux d’acidité et provoque parfois des démangeaisons ainsi qu’une augmentation des pertes.

La vaginose bactérienne est généralement traitée avec des antibiotiques, mais les taux de rechute sont élevés. En cas d’absence de traitement, les risques de développer des infections sexuellement transmissibles et un cancer du col de l’utérus augmentent. Chez les femmes enceintes, la vaginose bactérienne peut aussi augmenter le risque de naissance prématurée ou de faible poids à la naissance.

puce vagin
Une « puce vaginale » montrant l’épithélium vaginal, la paroi interne du vagin, avec des couches distinctes et des structures tissulaires en jaune. Crédit : Institut Wyss à l’Université de Harvard

Une approche prometteuse

Malgré ces risques, la vaginose bactérienne reste sous-étudiée, d’où l’importance de ce type d’étude. S’il est relativement facile de trouver des femmes prêtes à donner des échantillons vaginaux, il est beaucoup plus difficile de trouver des volontaires pour tester de nouveaux médicaments. Par ailleurs, les modèles animaux sont beaucoup moins efficaces. En effet, alors que les vagins des humains en bonne santé sont composés d’environ 70 % de lactobacilles, ils ne constituent rarement plus de 1 % du microbiome chez les autres mammifères. Ainsi, lorsque des cellules vaginales sont mélangées à des bactéries, elles prennent rapidement le dessus.

Dans une autre étude récemment publiée cette semaine, les chercheurs ont également montré qu’un foie cultivé de cette manière était sept à huit fois meilleur pour prédire les réponses humaines à 27 médicaments que les modèles animaux.

Cependant, aussi prometteuse soit-elle, l’approche de ce « vagin sur puce » présente encore quelques limites. En effet, dans le « monde réel », le microbiome vaginal évolue considérablement en réponse à différents facteurs, tels que les menstruations, les rapports sexuels, les fluctuations hormonales ou la prise d’antibiotiques. En outre, d’autres types importants de cellules dans le vagin, telles que les cellules immunitaires, ne sont pas encore intégrés dans ces travaux.

D’autres études plus « sophistiquées » encore seront donc nécessaires avant d’appréhender véritablement le fonctionnement du microbiome vaginal et sur la façon dont il réagit aux infections.