Une équipe de chercheurs a réussi ce que tout le monde pensait impossible : apprendre aux vaches à faire leurs besoins. Si elle était appliquée aux 270 millions de vaches laitières à travers le monde, la technique pourrait réduire considérablement les produits chimiques toxiques et les gaz à effet de serre produits par les déchets bovins.
Il n’y a pas si longtemps encore, l’urine et les matières fécales des vaches laitières se déversaient dans des tranchées faciles à nettoyer. Désormais, elles coulent sur des sols en béton et sont donc, de ce fait, plus difficiles à éliminer. Or, nous savons qu’une litière sale influence les niveaux de maladie chez les vaches laitières.
Les selles mélangées à l’urine génèrent également de l’ammoniac, qui peut se transformer en oxyde nitreux, un puissant gaz à effet de serre (la moitié de l’ammoniac produit en Europe provient d’élevages bovins). Des études ont également montré que la capture de 80 % de l’urine de vache pourrait entraîner une réduction de 56 % des émissions d’ammoniac.
Jusqu’à présent, aucune preuve tangible ne permettait de supposer un apprentissage de la propreté chez les bovins. Un tel comportement pourrait toutefois permettre de maintenir les litières plus propres, et donc de réduire les risques pour la santé animale comme pour l’environnement. C’est désormais chose faite.
Apprendre aux vaches à être « propres »
On lui avait posé la question en 2007 dans le cadre d’un échange portant sur la façon dont l’urine de vache nuit à l’environnement : pourquoi ne pas les entraîner à être propres ? La question, posée sur le ton de l’humour, a tout de même fait réfléchir le comportementaliste animalier Lindsay Matthews qui, depuis, dirige ses travaux en ce sens.
Dans le cadre de récentes expériences, Matthews et son équipe ont fait bâtir une petite grange sur le terrain de leur institut. L’intérieur ressemble à une file d’attente pour un manège de parc d’attractions. Des balustrades métalliques forment de longs couloirs qui se terminent par une porte battante, derrière laquelle est placé un carré de gazon artificiel (ici, les toilettes pour vaches). À l’intérieur, une fenêtre peut également s’ouvrir pour offrir une friandise aux animaux.
L’une des expériences de Matthews impliquait des génisses. Dans un premier temps, l’équipe a donné à seize de ces animaux un diurétique avant de les confiner dans la grange. Les jeunes vaches étaient récompensées par de la nourriture chaque fois qu’elles urinaient. Après une trentaine d’essais, dix d’entre elles ont appris à associer le pipi à la friandise. Autrement dit, dès qu’ils urinaient, ces animaux se tournaient très vite, parfois même avant d’avoir fini, vers la fenêtre pour obtenir leur bonbon (un mélange de mélasse ou d’orge broyée).
Les chercheurs ont déplacé les vaches dans le couloir, augmentant progressivement la distance jusqu’aux latrines. Celles qui urinaient avant d’arriver sur le gazon étaient doucement aspergées d’eau. Après une quinzaine d’essais, dix d’entre elles ont finalement compris qu’elles devaient uriner sur le gazon pour éviter d’être aspergées d’eau.
Pour faire une comparaison, le taux d’apprentissage de ces veaux se situait dans la fourchette observée chez les enfants de deux à quatre ans.
Difficile à appliquer
Cette nouvelle étude prouve ainsi qu’il est possible d’apprendre aux veaux, qui deviendront ici plus tard des vaches laitières, à faire leurs besoins dans une zone spécifique. Un peu comme nous pourrions apprendre à un chat à faire ses besoins dans une litière. Ces déchets pourraient alors être déplacés vers un réservoir de stockage et être utilisés comme engrais. Un échantillonnage régulier pourrait également permettre de surveiller la santé des vaches individuelles.
Il s’agit naturellement d’une étude intéressante. Cependant, il y a également fort à parier que la plupart des agriculteurs rechigneront à former des centaines de leurs vaches au pot. Les chercheurs en sont conscients, c’est pourquoi ils travaillent actuellement sur un moyen de pouvoir automatiser le processus.
Accessoirement, ces nouveaux travaux nous prouvent une fois de plus que les animaux d’élevage, que nous pensions auparavant « sales et stupides » – ce qui affecte la façon dont nous les traitons – sont en réalité plus intelligents qu’on ne l’imaginait. De quoi peut-être se soucier davantage de leur bien-être ?