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Des chercheurs font une découverte inattendue dans l’urine de chauve-souris : doit-on s’inquiéter ?

Ce qui devait être une surveillance de routine s’est transformé en découverte majeure pour la virologie mondiale. Dans les étendues sauvages du Queensland australien, des chercheurs ont mis au jour un pathogène totalement inconnu, caché dans l’urine de roussettes géantes. Cette trouvaille bouleverse notre compréhension des virus émergents et pose de nouvelles questions sur les menaces sanitaires que nous n’avons pas encore identifiées.

Une mission de surveillance qui tourne à la découverte

Les scientifiques du Centre australien de préparation aux maladies ne s’attendaient pas à faire l’histoire ce jour-là. Leur objectif était simple : surveiller les populations de roussettes près de Boonah, dans le Queensland, pour détecter la présence du redoutable virus Hendra. Cette surveillance fait partie d’un programme de monitoring sanitaire destiné à prévenir les épidémies.

Mais la nature réserve parfois des surprises. Lorsque les premiers résultats d’analyse sont tombés, ils ont montré l’absence du virus recherché – une bonne nouvelle en apparence. Cependant, les analyses génétiques approfondies ont révélé quelque chose d’infiniment plus intriguant : la signature d’un virus jamais répertorié auparavant.

Jennifer Barr, chercheuse principale de l’équipe, résume cette découverte fortuite : « Nous ne le savions pas à l’époque, mais certains de ces échantillons contenaient un virus qui n’avait jamais été décrit auparavant. »

L’art délicat de la collecte d’urine de chauve-souris

Avant de comprendre l’importance de cette découverte, il faut saisir la complexité logistique de telles recherches. Collecter de l’urine de chauve-souris géante relève de la prouesse technique et de la patience scientifique.

Le processus commence par une observation minutieuse des habitudes comportementales des roussettes. Les chercheurs étudient leurs sites de perchage diurne et identifient les zones où elles reviennent après leurs expéditions nocturnes de nourrissage.

L’opération de collecte proprement dite ressemble à une chorégraphie précise. Équipés de combinaisons de protection intégrale – inconfortables mais indispensables – les scientifiques installent des bâches sous les colonies juste avant leur envol vespéral. Au lever du soleil, quand les animaux regagnent leurs perchoirs, l’équipe retourne rapidement sur site pour récupérer les précieux échantillons avant leur évaporation.

Cette méthode, aussi ingénieuse qu’exigeante, permet d’obtenir des échantillons biologiques sans perturber les animaux ni compromettre la sécurité des chercheurs.

virus chauve-souris
Jenn Barr (debout à droite) recueille de l’urine de chauve-souris avec les co-auteurs Glenn Marsh (au centre) et Shawn Todd (à gauche). Crédits : SCIRO

Salt Gully : un nouveau membre de la famille virale

Après des mois de travail minutieux, l’équipe australienne a réussi l’exploit d’isoler et de cultiver ce mystérieux pathogène en laboratoire. Cette étape cruciale leur a donné le privilège de le baptiser : le virus Salt Gully, du nom de la région où il fut découvert.

Ce nouveau venu appartient à la famille des henipavirus, un groupe de pathogènes émergents particulièrement surveillés par les autorités sanitaires mondiales. Seuls trois autres virus de cette famille avaient été précédemment isolés et cultivés, faisant de Salt Gully une addition rare et précieuse à notre arsenal de connaissances virologiques.

Les henipavirus sont redoutés pour leur potentiel pandémique. Leurs cousins Hendra et Nipah provoquent chez l’homme des symptômes graves : détresse respiratoire sévère et encéphalites potentiellement mortelles.

Un comportement viral énigmatique

Salt Gully se distingue de ses congénères par un comportement cellulaire intriguant. Contrairement aux virus Hendra et Nipah, ce nouveau pathogène n’utilise pas les mêmes récepteurs pour infecter les cellules. Cette particularité complique considérablement l’évaluation de sa dangerosité potentielle.

Cette différence mécanistique soulève des questions fondamentales : quelles espèces peuvent être infectées ? L’homme est-il vulnérable à ce virus ? Quel serait son mode de transmission ? Autant d’interrogations qui nécessiteront des années de recherche pour obtenir des réponses définitives.

Une découverte aux implications prometteuses

Paradoxalement, cette découverte représente une victoire pour la santé publique mondiale. Identifier un pathogène avant qu’il ne cause de problèmes sanitaires majeurs constitue un avantage stratégique considérable.

L’isolement de Salt Gully permettra désormais de développer des tests diagnostiques spécifiques. En cas d’émergence de ce virus dans les populations humaines ou animales, les autorités sanitaires disposeront des outils nécessaires pour le détecter rapidement et mettre en place des mesures de confinement efficaces.

Cette approche proactive de la surveillance virale illustre l’évolution de notre stratégie face aux menaces pandémiques. Plutôt que de réagir après l’émergence d’une épidémie, les scientifiques tentent désormais d’anticiper les futures crises sanitaires.

Chauves-souris : alliées malgré elles

Cette découverte ne doit pas alimenter les préjugés contre les chauves-souris, soulignent les chercheurs. Ces mammifères volants jouent un rôle écologique crucial et leur surveillance constitue un système d’alerte précoce indispensable.

Les roussettes australiennes, en hébergeant naturellement ces virus, nous offrent une fenêtre unique sur les pathogènes émergents. Cette coexistence millénaire entre chauves-souris et virus nous enseigne que la vigilance scientifique reste notre meilleure défense contre les surprises que nous réserve le monde microbien.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.