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Des chercheurs font une observation inédite autour d’un trou noir

Les disques d’accrétion de matière qui entourent les trous noirs supermassifs sont difficiles à imager directement en raison de leurs distances extrêmes et de leurs tailles relativement petites. Au lieu de cela, les astronomes utilisent les spectres de lumière émise par ces disques pour caractériser leur structure. Récemment, et pour la première fois, des chercheurs ont utilisé cette approche pour placer une nouvelle limite sur la taille de l’un de ces disques autour d’un trou noir. 

Que sont les disques d’accrétion ?

Les disques d’accrétion qui entourent les trous noirs supermassifs au centre des galaxies sont des structures très dynamiques et énergétiques jouant un rôle crucial dans la compréhension de la formation et de l’évolution des galaxies, ainsi que dans la manière dont les trous noirs interagissent avec leur environnement.

Ces disques d’accrétion émettent une grande variété de rayonnements électromagnétiques à mesure que le gaz et la poussière se font absorber. Cette émission est produite lorsque le gaz chaud et en rotation rapide se frotte contre d’autres particules, créant ainsi une énorme quantité d’énergie.

Les régions les plus internes et les plus chaudes du disque émettent principalement des rayons X et ultraviolets de haute énergie, tandis que les régions plus éloignées et plus froides émettent principalement de la lumière visible et infrarouge. L’observation de ces longueurs d’onde permet aux astronomes de mieux comprendre la distribution et la composition du gaz et de la poussière dans le disque.

Étant donné que la plupart des disques d’accrétion peuvent difficilement être imagés directement à cause de leur distance, les astronomes s’appuient sur des observations spectrales qui, combinées à des modèles théoriques et à des simulations numériques, permettent de déterminer le comportement de ces structures.

Grâce à cette approche, des astronomes ont récemment détecté pour la première fois deux raies d’émission proche infrarouge dans le disque d’accrétion du trou noir supermassif retrouvé au centre de la galaxie III Zw 002. De cette manière, ils ont ainsi été capables de placer une nouvelle limite sur sa taille.

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Une illustration du trou noir associé à l’événement de perturbation des marées étudié. Crédits : NASA/CXC/M.Weiss

Raies d’émission

Pour bien comprendre ces observations, il est nécessaire de rappeler quelques points sur les raies d’émission et sur ce qu’elles nous apprennent concernant les régions autour des trous noirs.

Concrètement, les raies d’émission se forment lorsqu’un atome dans un état excité chute à un niveau d’énergie inférieur. Ce phénomène libère alors de la lumière. Étant donné que chaque atome possède un ensemble unique de niveaux d’énergie, la lumière émise possède une longueur d’onde bien spécifique agissant comme une sorte d’empreinte digitale qui permet d’identifier son origine.

Ces raies d’émission apparaissent généralement dans les spectres sous la forme de pointes fines. Cependant, dans le vortex tourbillonnant d’un disque d’accrétion, elles s’élargissent en pics moins profonds. La région du disque d’accrétion d’où proviennent ces lignes est appelée région des lignes larges.

Comme indiqué précédemment, les disques d’accrétion sont extrêmement difficiles à imager directement. Cependant, il est possible de déceler leur présence en identifiant un modèle spécifique de larges raies d’émission appelé profil à double pointes. En effet, étant donné que le disque est en rotation, une partie du gaz s’éloigne de notre point de vue, tandis que l’autre se dirige vers l’observateur. Ces mouvements relatifs étirent et compriment ainsi les raies d’émission vers des longueurs d’onde respectivement plus longues et plus courtes. Il en résulte une ligne élargie avec deux pics distincts, chacun provenant d’un côté du disque en rotation rapide.

Une observation inédite

Les quelques profils à double pointes repérés jusqu’à présent ont été trouvés dans les raies H-alpha et H-bêta. Il s’agit de deux raies d’émission d’atomes d’hydrogène qui apparaissent dans la gamme de longueurs d’onde visibles.

Le problème est que ces deux raies d’émission sont originaires de la zone interne de la région des lignes larges près du trou noir supermassif. Autrement dit, elles ne fournissent aucun indice sur la taille du disque d’accrétion dans son intégralité. Pour s’en faire une idée, il est nécessaire de faire des observations dans le proche infrarouge.

Récemment, des chercheurs ont entrepris de le faire en utilisant le télescope Gemini North qui est capable d’observer l’ensemble du spectre proche infrarouge (800 à 2 500 nanomètres) en une seule fois, à l’inverse d’autres instruments qui obligent les chercheurs à basculer entre plusieurs filtres pour couvrir la même plage.

Ici, l’équipe a pu capturer un spectre unique dans lequel plusieurs profils à double pics ont été révélés. Ces profils impliquaient la raie Paschen-alpha (hydrogène), qui prend son origine dans la région interne de la région de la ligne large, et la raie OI (oxygène neutre) qui provient de la périphérie de la région de la ligne large. Or, cette région n’avait jamais été observée auparavant.

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Illustration d’un trou noir supermassif avec un disque d’accrétion en orbite autour de lui. Les annotations montrent un profil hypothétique à double sommets avec des flèches indiquant l’endroit où provient chaque pic dans la région des lignes larges. Crédits: NOIRLab/NSF/AURA/P. Marenfeld

Que disent les analyses ?

La détection de tels profils à double pointes impose des contraintes fermes sur la géométrie d’une région qu’il serait autrement impossible de résoudre. En comparant ces observations avec les modèles de disque existants, les chercheurs ont en effet pu extraire des paramètres fournissant une image plus claire du trou noir supermassif et de la région des larges lignes de III Zw 002.

Le modèle suggère que la ligne Paschen-alpha prend son origine dans un rayon de 16,77 jours-lumière et que la ligne OI prend son origine dans un rayon de 18,86 jours-lumière. Il prédit également que le rayon extérieur de la région de la grande ligne est de 52,43 jours-lumière.

Enfin, les résultats montrent que la région large de III Zw 002 a un angle d’inclinaison de 18 degrés par rapport aux observateurs sur Terre, tandis que le trou noir concentre une masse de 400 à 900 millions de fois celle de notre Soleil.

Les détails de l’étude sont publiés dans The Astrophysical Journal Letters.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.