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Cette image, prise avec le Grand Réseau Millimétrique/Submillimétrique de l'Atacama (ALMA), montre le contenu en gaz moléculaire de deux galaxies impliquées dans une collision cosmique. Celle de droite abrite un quasar – un trou noir supermassif qui accrète de la matière environnante et libère un rayonnement intense directement dans l'autre galaxie. Crédit image : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/S. Balashev et P. Noterdaeme et al.)

Des astronomes repèrent une incroyable « joute cosmique » à 11 milliards d’années-lumière !

À plus de 11 milliards d’années-lumière de nous, une scène spectaculaire se joue dans l’immensité de l’univers : deux galaxies sont engagées dans une collision à grande vitesse, une véritable joute cosmique qui offre un aperçu inédit des phénomènes extrêmes qui régissent la formation et l’évolution des galaxies. Grâce à l’utilisation des instruments les plus puissants installés au Chili, les astronomes ont réussi à observer en détail ce combat galactique, révélant notamment comment l’un des protagonistes, un quasar, sculpte et transforme l’autre par son énergie intense.

Qu’est-ce qu’un quasar ?

Pour comprendre l’importance de cette découverte rapportée dans Nature, il faut d’abord saisir ce qu’est un quasar. Le terme est la contraction de “quasi-stellar radio source”, ou source radio quasi-stellaire. Ce sont des objets incroyablement lumineux, alimentés par des trous noirs supermassifs situés au centre des galaxies. Ces trous noirs, en avalant de grandes quantités de matière, libèrent une énergie colossale sous forme de rayonnement intense, parfois assez puissant pour dominer la lumière de toute leur galaxie hôte.

Dans la joute cosmique observée, l’une des galaxies héberge un quasar particulièrement actif, tandis que l’autre galaxie est une victime passive de ce rayonnement.

Une collision spectaculaire dans l’univers lointain

Les astronomes, utilisant le Grand Réseau Millimétrique/Submillimétrique de l’Atacama (ALMA), un réseau impressionnant de 66 antennes paraboliques perchées dans les Andes chiliennes, ont pu distinguer la deuxième galaxie — généralement invisible en raison de l’éblouissement produit par le quasar. Cette capacité unique a permis d’identifier une galaxie compagnon se dirigeant vers la galaxie quasar à une vitesse vertigineuse d’environ 2 millions de kilomètres par heure.

Cette vitesse et cette proximité indiquent que les deux galaxies sont en plein processus de fusion, un événement commun dans l’univers, mais dont les effets précis sur la formation stellaire et l’activité des trous noirs restent un sujet d’étude actif.

L’impact du quasar sur la galaxie voisine

En combinant les observations d’ALMA avec celles du Très Grand Télescope (VLT) équipé de l’instrument X-shooter, les chercheurs ont pu analyser la lumière du quasar filtrée par la galaxie voisine. Ce faisant, ils ont découvert un phénomène impressionnant : le rayonnement intense du quasar pulvérise le gaz présent dans la galaxie compagnon, dispersant le carburant nécessaire à la formation de nouvelles étoiles.

Résultat : la galaxie subit une véritable suppression de sa capacité à créer des étoiles, transformée par cette énergie en un environnement hostile et appauvri. En parallèle, ce même rayonnement favorise l’acheminement de matière vers le trou noir central du quasar, alimentant encore davantage ce moteur cosmique et perpétuant la puissance de la joute.

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Cette vue à grand champ montre la région du ciel entourant deux galaxies en interaction, surnommée la « joute cosmique », où l’une d’elles perce l’autre d’un rayonnement intense. Les galaxies apparaissent comme un minuscule point blanc au centre de l’image. Crédit image : Enquête DESI Legacy

Pourquoi cette découverte est-elle importante ?

Cette observation offre une preuve directe et rare des interactions complexes entre les quasars et leur environnement, soulignant le rôle crucial que ces phénomènes jouent dans la dynamique galactique. Alors que l’on sait depuis longtemps que les quasars peuvent influencer la formation des étoiles, voir cette influence à l’œuvre dans une collision précise et datée à plus de 11 milliards d’années-lumière est une avancée majeure.

Elle aide à comprendre comment, dans l’univers jeune, les fusions de galaxies pouvaient alimenter la croissance rapide des trous noirs supermassifs tout en freinant la croissance des galaxies elles-mêmes. Ce processus a sans doute contribué à façonner la diversité des galaxies observées aujourd’hui.

Un aperçu de l’évolution cosmique

Au-delà de la simple description d’un choc galactique, cette étude révèle un mécanisme fondamental d’évolution cosmique : la manière dont l’énergie concentrée autour des trous noirs supermassifs module la matière et l’énergie dans leur voisinage, influençant la naissance et la mort des étoiles.

À une époque où l’univers était encore jeune, ces interactions violentes dictaient la vie des galaxies, et leur compréhension permet aujourd’hui aux astronomes de reconstruire l’histoire complexe de la formation des structures cosmiques.


En conclusion, cette “joute cosmique” observée à 11 milliards d’années-lumière est bien plus qu’un simple affrontement : c’est une fenêtre fascinante sur les forces titanesques qui façonnent notre univers. À mesure que les technologies d’observation s’affinent, nous pourrons continuer à décrypter ces ballets célestes, qui racontent l’histoire même de la matière et de la lumière dans le cosmos.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.