Il y a environ 95 millions d’années, dans ce qui est aujourd’hui l’Australie, un énorme parent des crocodiles modernes refermait ses puissantes mâchoires sur le petit corps d’un jeune dinosaure, l’avalant quasiment en une seule bouchée. Le crocodilien est mort peu de temps après. Son corps s’est peu à peu fossilisé, tout comme les restes partiellement digérés de son estomac.
Une découverte exceptionnelle
Les crocodyliens sont parmi les hypercarnivores les plus prospères de notre planète, leurs ancêtres crocodyliformes évoluant depuis le Trias. Les régimes alimentaires de ces derniers sont généralement déduits de marques de morsures distinctives sur des os fossiles. Ces traces laissaient à penser que certaines espèces se nourrissaient de dinosaures. Toutefois, les preuves alimentaires les plus directes (du contenu intestinal préservé) de ces interactions chez les crocodyliformes fossiles restaient à ce jour insaisissables, peut-être parce que comme ceux des crocodiles modernes, leurs intestins contenaient des acides puissamment corrosifs.
Pour la première fois, une équipe de paléontologues rapporte cependant la découverte d’un crocodyliforme du Crétacé baptisé Confractosuchus sauroktonos dont le contenu abdominal exceptionnellement préservé comprenait des parties d’un dinosaure. L’animal évoluait il y a environ 95 millions d’années dans ce qui est aujourd’hui l’Australie. Les détails de l’étude ont été publiés en 2022 dans la revue Gondwana Research;
Le petit dinosaure était un jeune ornithopode. Il s’agit d’un groupe d’herbivores principalement bipèdes qui comprend des dinosaures à bec de canard. Ce sont d’ailleurs les premiers os d’un ornithopode retrouvés dans cette partie du continent. De plus, l’animal pourrait représenter une espèce jusque-là inconnue.
Un fémur coupé en deux
Les restes de l’ancien prédateur (et de son dernier repas) ont été découverts dans le Grand Super Bassin australien. Il s’agit d’un site datant de la période du Crétacé (il y a environ 145,5 millions à 65,5 millions d’années). D’après les analyses de ses membres postérieurs, d’une grande partie de son bassin, de son crâne et de nombreux os du reste de son corps, l’assaillant mesurait environ 2,5 m de long au moment de sa mort. Toutefois, les chercheurs estiment qu’il n’avait probablement pas encore atteint sa taille maximale.
Étant donné que les os du petit dinosaure étaient trop fragiles pour être retirés de la roche qui les entoure, les chercheurs ont scanné l’abdomen du prédateur avec des appareils de tomodensitométrie (CT) à rayons X. Ils ont ensuite créé des modèles numériques 3D des ossements.
En se basant sur ces données, les paléontologues estiment que le jeune dinosaure ne pesait que 1,7 kg environ au moment de son décès. La majeure partie de son squelette était encore connectée après avoir été avalée, même si l’un de ses fémurs était brisé en deux. Une dent incrustée a également été retrouvée dans l’autre fémur.
Ces nouveaux travaux prouvent donc sans équivoque que les dinosaures faisaient probablement partie intégrante de l’alimentation des crocodyliformes.