Une étude américaine récente montre que le dérèglement climatique contraindra de nombreuses espèces animales à migrer vers des écosystèmes plus accueillants. Or, cela devrait augmenter les risques de transmission virale entre espèces et du même coup les risques concernant les humains.
Un scénario inquiétant pour 2070
Avec plus de 6,2 millions de décès, la crise sanitaire récente en lien avec le coronavirus SARS-CoV-2 aura été particulièrement meurtrière. En mai 2021, le président américain avait donc ordonné une enquête plus approfondie sur l’origine de la Covid-19. La possibilité que le virus se soit échappé d’un laboratoire était en effet prise très au sérieux, mais celle d’une contamination entre animaux avant une transmission vers les humains restait largement privilégiée.
Et si les risques de transmission de virus entre espèces animales, puis vers l’humain avaient un lien avec le dérèglement climatique ? Les chercheurs de l’Université de Georgetown (États-Unis) ont combiné des modélisations climatiques et des données concernant la destruction des habitats naturels ainsi que sur la façon dont les virus « sautent » d’une espèce à l’autre. L’objectif ? Effectuer des prévisions pour l’avenir du monde d’ici à 2070.
L’étude parue dans la revue Nature le 28 avril 2022 stipule pour la première fois que les transmissions de maladies et le bouleversement des écosystèmes sont fortement liés. Ces travaux ont inclus pas moins de 3 139 espèces de mammifères, un type d’animaux abritant de nombreux virus possiblement transmissibles aux humains. Et pour les auteurs de ces travaux, le dérèglement climatique sera le principal vecteur de l’émergence de nouvelles maladies.

15 000 transmissions virales entre espèces
Aujourd’hui, de nombreuses espèces sauvages doivent fuir leur écosystème en raison de leur dégradation. Plusieurs raisons sont à l’origine de la perte de ces habitats : la réduction de la superficie des forêts, la hausse des températures ou encore le trafic d’espèces sauvages. Ainsi, ces espèces migrent vers des contrées plus accueillantes où se trouvent potentiellement déjà d’autres animaux autochtones ou également en fuite. Les chercheurs estiment à environ 300 000 le nombre de premières rencontres entre espèces animales. Or, en se mélangeant, ces animaux pourraient représenter une base pour l’apparition de nouveaux croisements d’infections virales.
L’étude évoque un nouveau réseau de virus capables de sauter d’espèce en espèce et qui devrait prendre de l’ampleur avec la progression du réchauffement climatique. Les scientifiques estiment ainsi qu’au moins 15 000 transmissions virales entre espèces devraient se produire d’ici 2070. Par ailleurs, les chauves-souris (fortement soupçonnées dans le cas du dernier coronavirus) devraient jouer un rôle central dans ce processus. Il faut dire que ces dernières sont fréquemment à l’origine de zoonoses infectant les humains, et ce, via un animal hôte intermédiaire.
Pour les chercheurs, il est déjà trop tard pour inverser la tendance, même en limitant l’augmentation de la température à 2°C. Actuellement, pas moins de 10 000 virus capables d’infecter les humains circuleraient en effet déjà en silence parmi les mammifères sauvages. Il est par ailleurs impossible de savoir vraiment combien de ces virus vont « se réveiller » et où. Néanmoins, les lieux où les populations seront les plus denses en 2070 et où les mélanges entre espèces animales seront les plus importants sont plus ou moins déjà connus. La zone tropicale de l’Afrique ainsi que l’Asie du Sud-Est pourraient ainsi être les régions les plus exposées au problème.