Depuis quelques années, la fonte du plus grand glacier du Groenland ralentit

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Crédits : capture d'écran / NASA.

Depuis quelques années maintenant, le plus imposant glacier du Groenland semble bénéficier d’un répit dans son retrait précipité entamé au cours des années 1990. En effet, depuis 2016 les mesures satellitaires ont révélé un épaississement ainsi qu’une avancée du front glaciaire. Une évolution à contre-courant de la tendance générale. L’inlandsis groenlandais continuant dans son ensemble à perdre de la masse à grande vitesse. 

Le Jakobshavn Isbrae est un glacier situé sur la côte centre-ouest du Groenland. Il s’agit du glacier qui s’écoule le plus rapidement de la calotte et qui draine le volume de glace le plus important. Durant les années 1990, il s’est déstabilisé. Il a alors entamé une phase d’amincissement marquée, laquelle a été accompagnée d’un recul du front glaciaire. Entre 2000 et 2010, le Jakobshavn Isbrea a contribué à lui seul pour environ 1 millimètre à la hausse du niveau moyen des mers.

Toutefois, à partir de 2013-2014, les observations satellitaires ont mis en évidence un ralentissement de cet amincissement. Entre 2016 et 2018, le glacier s’est même épaissi de plusieurs dizaines de mètres tout en voyant son front s’étendre vers l’océan*. Dans le même temps, l’inlandsis groenlandais dans son ensemble continuait pourtant à perdre de la masse à un rythme effréné. Une particularité régionale qui a été étudiée dans un papier paru le 25 mars 2019 dans la revue Nature Geoscience.

« Au début, nous n’y croyions pas », indique Ala Khazendar, auteur principal de l’étude. « Nous avions supposé que le Jakobshavn continuerait à se comporter à peu près comme il l’a fait au cours des 20 dernières années », poursuit-il.

Le rôle des courants océaniques

La dégradation du Jakobshavn Isbrae initiée dans les années 1990 a été attribuée à l’arrivée d’eau anormalement chaude – en particulier sous la surface – dans la baie de Disko. Une baie située à l’est de la mer de Baffin. L’intrusion de ce courant a provoqué une fusion rapide à la base de la langue de glace, conduisant à une déstabilisation du glacier qui s’est ensuite propagée vers l’intérieur des terres. Les eaux ont continué à se réchauffer dans la région les années qui ont suivi, accentuant le retrait.

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Glacier Jakobshavn Isbrae capturé par satellite le 16 août 2015. Calving front = front de vêlage. Crédits : Wikimedia Commons.

La situation prend une tournure inattendue à partir de 2013-2014, lorsque la température de l’océan près du glacier chute. Une chute estimée à 2 °C sur la période 2014-2016 dans la baie Disko, à 150 mètres de profondeur. Il faut retourner dans les années 1980 pour retrouver de telles valeurs. En conséquence, l’eau en contact avec la base flottante du Jakobshavn Isbrae a vu sa capacité d’érosion être sensiblement réduite. De ce fait, les conditions sont devenues – temporairement – plus favorables, d’où l’avancée du front glaciaire et l’épaississement observés.

Une amélioration qui ne durera pas

Les auteurs retracent l’origine du refroidissement local à des pertes radiatives océaniques anormalement élevées au sud du Groenland. Fortement refroidies, les eaux ont ensuite été transportées par les courants vers la baie de Disko. Une fluctuation qui résulte de la variabilité associée à l’oscillation nord-atlantique. Il s’agit d’un régime de circulation des vents propre au bassin atlantique et qui alterne entre différentes phases. L’amélioration dont bénéficie le glacier depuis quelques années n’est donc que temporaire, et ne pourra compenser les pertes enregistrées au cours des 20 années précédentes.

« Ce refroidissement va passer », précise Ala Khazendar. « Quand cela se produira, le glacier se retirera encore plus vite qu’avant ».

Un des enseignements principaux de l’étude est la nécessité de prendre en compte le couplage entre la glace, l’océan et l’atmosphère dans la simulation de l’évolution des glaciers et des calottes. « Nos conclusions soulignent la nécessité d’inclure la variabilité océanique et atmosphérique dans les projections de la contribution future du Jakobshavn Isbrae à l’élévation du niveau de la mer. Cette conclusion s’ajoute aux éléments de preuve fournis par l’Antarctique, selon lesquels (…) les forçages “externes” continuent de moduler le taux de retrait ou de progression », peut-on lire dans le papier en guise de conclusion.

* Notons que le bilan de masse est toujours négatif – il y a donc toujours perte nette de masse. Mais à un rythme sensiblement moins soutenu. 

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