Il n’est constitué que d’une seule cellule et est dépourvu de neurones. Pourtant, cet étonnant organisme vivant, le Physarum polycephalum, est capable d’apprendre, tirant les leçons de ses expériences précédentes pour s’assurer qu’il se nourrit sans risque.
« C’est la première fois que l’on prouve qu’un organisme unicellulaire est capable d’apprentissage », déclare Romain Boisseau, chercheur en biologie et co-auteur de cette étude publiée mercredi 27 avril dans Proceedings of the Royal Society B. « Cela prouve que l’apprentissage ne nécessite pas forcément de système nerveux (neurones, cerveau) », ajoute Audrey Dussutour, chercheuse CNRS (Centre national de la recherche scientifique) à l’Université Toulouse III Paul Sabatier.
C’est dans les sous-bois des régions tempérées que vit le Physarum polycephalum, aux allures de champignon jaune qui est en réalité un cousin des plantes, des champignons et des animaux, vivant sur Terre depuis environ 500 millions d’années avant l’Homme. Cinq centimètres par heure, c’est la vitesse maximale à laquelle est capable de se déplacer cet organisme pour trouver de la nourriture, lui qui peut couvrir des surfaces de plusieurs mètres carrés grâce à ses extensions (pseudopodes).
Surnommé le « Blob », le Physarum polycephalum se nourrit de champignons, de bactéries et de flocons d’avoine, et c’est sur ce dernier aliment que s’est focalisée l’équipe de Romain Boisseau pour son expérience. Ainsi, neuf jours durant, ils ont confronté trois groupes de cet organisme à des substances amères, mais inoffensives, qu’ils devaient traverser pour atteindre une source de nourriture, les flocons d’avoine. Le premier groupe a été confronté à un « pont » imprégné de quinine, un autre à un pont de caféine tandis qu’un groupe témoin devait passer sur un pont sans substance particulière.
Au départ, ceux qui devaient passer par les ponts de quinine et de caféine étaient réticents à traverser, car méfiants, et n’ont avancé qu’une fine extension d’eux-mêmes pour minimiser le contact avec la substance perçue au départ comme nocive. Ainsi, il leur aura fallu plusieurs heures pour atteindre l’avoine. Mais au fil des jours, ils ont traversé ces ponts de manière bien plus rapide, ayant appris que ces substances étaient inoffensives, et au terme de six jours, ils les traversaient aussi vite que le groupe témoin, pour qui aucune substance particulière n’avait été déployée.
Un phénomène appelé « l’habituation », qui décrit « un processus d’apprentissage simple qui consiste à s’habituer à un stimulus quand on le rencontre fréquemment » comme l’explique Audrey Dussutour. C’est la première fois que l’habituation est décelée chez un organisme unicellulaire, amenant les scientifiques à s’interroger sur la capacité d’apprentissage d’autres organismes extrêmement simples. « Je pense que l’habituation existe chez les bactéries, mais cela reste à démontrer de manière claire », indique Audrey Dussutour.
Source : CNRS