Les archéologues sont formels : les restes de plus d’une dizaine de travailleurs chinois ont été retrouvés au sommet d’une pyramide vieille d’environ 800 ans. C’est une énième preuve que des dizaines de milliers d’ouvriers chinois sont venus travailler au Pérou dans des conditions déplorables au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
Évidemment, lorsque les archéologues péruviens ont découvert ces sépultures chinoises au sommet de la Huaca Bellavista, une pyramide préinca ancienne de près de huit siècles, leur étonnement fut énorme. Pas moins de seize dépouilles ont été mises à jour : onze directement enterrées et enveloppées d’un simple tissu et cinq autres reposant dans des cercueils en bois. Selon le ministère de la Culture péruvien et Roxana Gomez, responsable des fouilles sur place, certaines dépouilles avaient une tresse et une bière contenait également une pipe à opium.
Au XIXe siècle, de nombreux travailleurs sont arrivés en Amérique latine où l’esclavage a été aboli en 1854 et dans le cas du Pérou, la traite négrière a progressivement diminué dès 1821 après l’indépendance du pays obtenue des Espagnols. Isabelle Lausent-Herrera, anthropologue chargée de recherche au CNRS-Credal, expliquait dans une publication de 1994 (PDF/17 pages) qu’entre les années 1849 et 1874, le Pérou a entrepris une reconstruction du pays et avait besoin d’une importante main d’œuvre qui ne pouvait pas être assurée par les Africains libérés ni les Indiens eux-mêmes. C’est ainsi que plus de 100 000 travailleurs chinois en provenance des régions du Fujian et du Guangdong sont arrivés au Pérou :
« Les grands propriétaires fonciers, les hacendados, et les concessionnaires des exploitations des îles à guano se tournèrent en effet vers la Chine où existait déjà une forme de traite de travailleurs sur contrat, celle des “coolies”, une traite très proche de celle des Africains », des propos recueillis par Sciences et Avenir.
Parallèlement, la situation en Chine n’était pas idéale puisque l’empire s’effondrait et l’économie causait de nombreux problèmes sociaux (perte des ports chinois, révoltes agraires…). Les Chinois arrivant au Pérou avaient alors l’espoir d’une vie meilleure, mais cela s’est passé tout autrement. Isabelle Lausent-Herrera évoquait dans ses écrits une réduction de cette main d’œuvre à un état de demi-esclavage par des contrats abusifs (de quatre à huit ans), des agressions perpétuelles, la privation de compagnes, la promiscuité des baraquements, etc. Ce fut en somme un environnement, un traitement et un quotidien ayant conduit à de nombreux suicides.
Les travailleurs chinois n’étaient pas autorisés à être inhumés dans les cimetières péruviens chrétiens. La capitale Lima s’est développée autour d’anciens sites précolombiens, des lieux alors peu consacrés servant à inhumer les non baptisés ainsi que les travailleurs chinois. Voici ce qui explique la récente trouvaille faite au sommet de la Huaca Bellavista. Ce n’est d’ailleurs pas la première et ne sera sûrement pas la dernière.
Sources : Sciences et Avenir – Daily Geek Show