Il y a deux ans, une équipe de chercheurs est tombée sur une défense de mammouth au large de la Californie, à plus de 3000 m de profondeur. Des travaux de datation et d’identification sont toujours en cours, mais nous avons déjà quelques certitudes.
Une incroyable découverte
Il y a plusieurs milliers d’années, une jeune femelle mammouth vaquait à ses occupations près de ce qui allait devenir la côte centrale de Californie, lorsque sa vie prit fin prématurément. Bien qu’elle soit morte sur terre, son corps s’est finalement retrouvé dans l’océan Pacifique. Porté par les courants, il a ainsi dérivé sur 250 km avant de s’enfoncer à plus de 3000 mètres sous la surface de l’eau, gisant près d’un mont sous-marin.
De ce corps, il ne reste aujourd’hui plus grand-chose, si ce n’est un peu d’ivoire. Il y a deux ans, des scientifiques du Monterey Bay Aquarium Research Institute sont en effet tombés sur l’une des défenses de l’animal. Ils sondaient à l’époque la présence de nouvelles espèces d’eau profonde au large de la côte de Monterey, en Californie, au moyen d’un ROV.
Intrigué par son incroyable découverte, l’équipage a rapidement tenté de récupérer l’objet. À leur grand désarroi, la pointe du spécimen en forme de cimeterre s’est brisée. Les chercheurs ont finalement ramassé ce petit morceau d’ivoire et laissé le reste derrière eux. De rapides analyses en laboratoire ont ensuite confirmé qu’il s’agissait bel et bien d’une défense de mammouth.
La découverte d’un tel spécimen dans les grands fonds est très inhabituelle. En effet, si certains spécimens ont été trouvés dans les eaux peu profondes, notamment en mer du Nord, les défenses et autres restes squelettiques de créatures préhistoriques ont plutôt tendance à gésir profondément sous terre ou dans le pergélisol près du cercle polaire arctique.

Une jeune femelle morte il y a 100 000 ans
Grâce aux travaux de Katherine Louise Moon, de l’Université de Californie, les chercheurs ont également pu extraire un peu d’ADN de ce morceau d’ivoire et déterminer qu’il s’agissait d’une femelle. Les chercheurs le soupçonnaient déjà. La forme et la taille de la défense étaient en effet caractéristiques d’une jeune femelle mammouth.
Il y a quelques mois, les chercheurs ont ensuite entamé une seconde expédition visant cette fois à ramasser le reste de la défense. Sur place, à plus de 3000 mètres de profondeur, des photos et des vidéos ont été prises pour créer un modèle 3D au cas où la structure se briserait lors de la tentative de récupération. Finalement, les opérations se sont déroulées avec succès. Ainsi que le rapporte Annie Roth pour le NY Times, la défense avait été retrouvée et récupérée en un peu moins de deux heures.
De retour en laboratoire, Steven HD Haddock et son équipe de l’institut ont mesuré, nettoyé et photographié le spécimen. Ils ont également utilisé une scie à fil pour couper un nouveau morceau de la défense, permettant au Dr Moon d’échantillonner son tissu le plus interne, et pourquoi pas suffisamment d’ADN pour déterminer l’espèce concernée, ainsi que sa lignée. Pour l’heure, ces travaux d’identification sont toujours en cours.
Un autre chercheur, le Dr Blackburn, s’est focalisé sur la désintégration des matières radioactives dans des échantillons de la pointe récupérés en 2019 pour tenter de dater la défense, qui mesurait environ 90 cm de long. D’après son estimation, l’animal aurait un peu plus de 100 000 ans.
Notez que ces résultats n’ont pas encore été évalués par des pairs et ne sont donc pas définitifs, mais ils pourraient aider à répondre à certaines questions.

Il y en a probablement beaucoup d’autres
Nous savons que les premiers mammouths à s’aventurer en Amérique du Nord étaient les mammouths des steppes. Ces animaux sont venus d’Eurasie il y a 1,5 million d’années en traversant le détroit de Béring, qui n’était pas recouvert d’eau comme aujourd’hui. Des centaines de milliers d’années plus tard, une autre espèce de mammouth, le mammouth laineux, a également traversé ce même détroit et rejoint ses cousins en Amérique du Nord. Les deux se sont fréquentés pour produire le mammouth colombien, mais personne ne sait exactement quand.
Si cette nouvelle défense est aussi ancienne que les scientifiques le soupçonnent, alors elle pourrait alors aider à clarifier le moment de cette hybridation.
Quoi que les chercheurs parviennent à apprendre de cette défense, il est peu probable qu’il s’agisse des seuls vestiges préservés d’un ancien animal terrestre dans l’océan. Ainsi, ils recommandent que les explorateurs des grands fonds embarquent désormais des paléontologues avec eux dans le cadre des leurs expéditions.
Le Dr Haddock tire également une autre leçon de cette découverte : les eaux profondes ont besoin d’être protégées contre l’exploitation minière et le forage. Si ce mont sous-marin avait été perturbé par l’extraction de pétrole ou de minéraux, il est probable que la défense aurait été ensevelie par les sédiments et n’aurait jamais été retrouvée. Ainsi, la préservation de ce royaume vaste pourrait non seulement assurer un avenir aux innombrables espèces qui y vivent, mais également garantir que d’anciens trésors biologiques puissent encore être trouvés.