Découverte des plus anciens restes d’Homo Sapiens en Asie de l’Est

Laos grotte Homo sAPIENS
Des chercheurs de la grotte de Tam Pà Ling au Laos ont trouvé un fragment de tibia humain vieux de 86 000 ans. Crédits : Fabrice Demeter

Un fragment de tibia humain trouvé au plus profond d’une grotte au Laos révèle que notre espèce, Homo sapiens, est arrivée en Asie du Sud-Est beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait. Cependant, cette ancienne percée en Asie du Sud-est pourrait avoir été une impasse évolutive. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue .

Une grotte exceptionnelle

Située dans la province de Houaphan au Laos, la grotte de Tam Pà Ling est un site archéologique d’une grande importance. Découverte en 2008 à 1 170 m au-dessus du niveau de la mer, elle abrite en effet d’anciens vestiges remontant à différentes périodes. Sur place, les fouilles menées ont notamment permis de mettre au jour des fragments de poteries, des outils en pierre, des restes d’animaux, mais aussi des ossements humains appartenant à plusieurs individus.

Jusqu’à présent, les plus anciens fragments d’os humains précédemment trouvés dans la grotte avaient environ 70 000 ans. Ils représentaient alors l’une des premières preuves de présence de notre espèce dans la région. Plus récemment, des anthropologues ont cependant isolé des fragments de l’avant d’un crâne et d’un tibia encore plus anciens.

Deux méthodes de datation

Pour estimer ces échantillons, les chercheurs ont utilisé la datation par luminescence des sédiments. Elle repose sur le principe que les minéraux dans les sédiments accumulent de l’énergie provenant des rayonnements ionisants présents dans l’environnement, tels que les rayons cosmiques et la radioactivité naturelle. Au fil du temps, cette énergie emmagasinée est libérée sous forme de lumière lorsqu’une source de chaleur, généralement un faisceau de lumière ou de chaleur contrôlé, est appliquée sur les échantillons. En mesurant la quantité de lumière émise, les chercheurs peuvent alors déterminer la durée écoulée depuis la dernière exposition des sédiments à la lumière naturelle.

L’équipe a également utilisé une autre méthode pour dater les dents de mammifères isolés dans les mêmes couches sédimentaires que ces ossements : la datation en série à l’uranium. Cette technique se base sur la désintégration radioactive de l’uranium présent dans les échantillons. Rappelons en effet que l’uranium naturel se compose principalement de deux isotopes, l’uranium-238 (U-238) et l’uranium-235 (U-235), et que ces isotopes se désintègrent eux-mêmes lentement au fil du temps. En connaissant les taux de désintégration et les demi-vies de ces isotopes, les chercheurs sont alors capables de mesurer les rapports isotopiques de l’uranium et de ses produits de désintégration.

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La grotte de Tam Pà Ling, à environ 1 170 m au-dessus du niveau de la mer dans le nord du Laos. Crédits : Fabrice Demeter
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Différentes vues du fragment de crâne de Tam Pà Ling au Laos. Crédits : Fabrice Demeter

Une présence d’Homo Sapiens il y a plus de 85 000 ans

Ces deux méthodes ont permis d’estimer que le crâne avait environ 73 000 ans, tandis que le tibia remontait à environ 86 000 ans. Selon les chercheurs, les fragments ont probablement été emportés dans la grotte de Tam Pà Ling pendant une mousson. Par ailleurs, même si ces os étaient fracturés et incomplets, l’équipe a quand même pu comparer leurs dimensions et leur forme avec d’autres os des premiers humains. Elle a alors constaté qu’ils correspondaient plus étroitement à ceux d’Homo sapiens, plutôt qu’à ceux d’autres humains archaïques, tels qu’Homo erectus, Neandertal ou Denisova.

Cette découverte est remarquable dans la mesure où les chercheurs ont longtemps débattu du moment de l’arrivée d’Homo sapiens en Asie du Sud-est. Les preuves génétiques et d’outils de pierre accumulées à ce jour soutiennent fortement une dispersion unique et rapide depuis l’Afrique peu après 60 000 ans. Néanmoins, ce type de découverte suggère qu’il pourrait y avoir eu beaucoup d’autres migrations antérieures, dont beaucoup pourraient avoir été des impasses.